En voyage au Caire, Bruno Coquatrix (directeur général de l’Olympia de Paris de 1954 à 1979) avait rencontré le Ministre égyptien des Affaires Culturelles, qui lui avait demandé pourquoi il n’engageait pas Om Kalthoum pour un concert à Paris?
Bruno Coquatrix ne la connaissant pas du tout, pensait qu’il s’agissait d’une danseuse du ventre. Il n’avait jamais entendu parler d’elle, et le ministre lui avait dit qu’elle était une très grande chanteuse et qu’en Egypte, les billets pour ses concerts étaient achetés 2 ans à l’avance!
A sa demande, Om Kalthoum avait consenti à rencontrer Bruno Coquatrix et avait accepté d’aller chanter à Paris. Mais elle avait fixé elle-même son cachet: 20 millions de centimes pour deux récitals, plus tous ses frais de séjours, plus un hébergement dans un grand palace parisien, pour elle et pour les 30 membres de son orchestre.
Jamais le directeur de l’Olympia n’avait versé une telle somme pour une artiste, pourtant il avait accepté. Le cachet était tellement important, que les prix des billets avaient été fixés à 30 000 anciens francs (environ 45 euros), ce qui était énorme à l’époque.
Om Kalthoum devant l’Obélisque de la Place de la Concorde à Paris
Jusqu’à huit jours avant la date prévue pour les concerts à Paris, aucun billet n’avait été vendu, les gens ne croyaient pas qu’Om Kalthoum allait réellement se déplacer à Paris. D’ailleurs ces deux concerts à l’Olympia sont les seuls concerts que la diva a donné en Europe.
A l’arrivée d’Om Kalthoum à Paris, la télévision française avait envoyé un journaliste la filmer à l’aéroport, pour un reportage pour le journal télévisé. C’est ainsi que les gens avaient vu qu’elle était vraiment là. Dès le soir même, cela avait été la ruée pour acheter les billets. Les admirateurs étaient venus d’un peu partout en Europe, il y avait eu des charters d’Angleterre, d’Allemagne, de Belgique… Il y avait des gens de toutes les classes sociales: la classe défavorisée, la classe moyenne, mais aussi des riches, des princes des pays du Golfe… Les deux concerts étaient archi archi complets!
Le public des concerts d’Om Kalthoum à l’Olympia de Paris
Un homme était arrivé à la caisse, il voulait une place au premier rang, mais il n’y en avait plus. Il avait posé à la caisse 100 000 anciens francs, mais la caissière lui avait répondu qu’il n’y avait plus de place au premier rang. Il avait alors proposé 200 000 AFR, et ensuite 500 000 AFR, mais la caissière lui avait répondu qu’elle n’y pouvait rien, il n’y avait plus de place au 1er rang. Il avait alors tiré son revolver pour la menacer. Il avait été maitrisé mais avait pu obtenir une chaise entre deux strapontins, au premier rang.
A chacun de ces deux récitals, Om Kalthoum avait chanté 3 chansons, pendant environ 6 heures par soir, de 21h à presque 3h.
Om Kalthoum chante à l’Olympia de Paris
Bruno Coquatrix avait remarqué qu’il y avait environ 400 à 500 juifs sépharades. Il avait eu peur qu’ils ne viennent pour faire du grabuge (ils étaient en 1967!!!). Mais il avait été étonné ensuite de constater qu’ils étaient là pour Om Kalthoum, qu’ils étaient fans et qu’ils étaient là pour son talent!
Lors du deuxième récital, un des spectateurs avait pu monter sur scène et embrasser ses mains.
Om Kalthoum à l’issu de son concert à l’Olympia le 15 Novembre 1967
A la fin du 2ème récital, une soirée avait été organisée en l’honneur d’Om Kalthoum, à laquelle avait été invités tous les « grands » du pays. Le général de Gaule lui avait fait offrir à cette soirée un grand bouquet de fleurs, accompagné d’un télégramme où il lui avait écrit qu’elle était la bienvenue en France et où il l’avait félicitée pour son énorme succès, il lui avait notamment écrit « J’ai ressenti dans votre voix les vibrations de mon cœur et du cœur de tous les français ».
Om Kalthoum devant l’affiche annonçant ses deux concerts à l’Olympia de Paris
Tous les journaux français de l’époque avaient parlé de ces deux concerts historiques qui avaient été un évènement comme la France n’en avait jamais vus. Ces deux récitals de Om Kalthoum ont été d’ailleurs les plus importants de l’histoire de l’Olympia. Quelques personnalités avaient eu le privilège d’être présents, dont Habib et Wassila Bourguiba, l’acteur français Gérard Depardieu, la chanteuse Marie Laforêt, l’acteur et écrivain français Jean Claude Pascal…
L’acteur et écrivain français Jean Claude Pascal présente ses hommages à la diva à l’issu de son concert du 14 Novembre 1967 à L’Olympia
Pour plus de détails sur cette visite à Paris et écouter certains témoignages:
Après Paris, Om Kalthoum avait fait une grande tournée dans les pays arabes, dont la Tunisie, le Liban, la Lybie et le Maroc. Tous les bénéfices de cette tournée, y compris les concerts à Paris, sont allés dans les caisses de l’Etat égyptien, comme participation à l’effort de guerre.
Au total, Om Kalthoum avait donné à l’Etat égyptien 520 000 dollars.