J'ai déjà rendu compte des deux jarres recouvertes de calligraphies réalisées dernièrement à Djerba. L'une présente des graphèmes en hébreu et l'autre en arabe.
Réalisé dans le cadre du projet Djerbahood à Hara Sghira, ce projet des jarres est porté et concrétisé par deux jeunes de Djerba.
Beyram Ettounsi a réalisé le versant arabe de ce projet et Natanel, le versant hébreu. Leur oeuvre siamoise annonce à sa manière les lumières de Hannouka et éclaire le monde d'une complicité fraternelle.
Ces deux gars sont mes héros et pour très longtemps. Ils ont donné une dimension symbolique à des objets traditionnels et écrit à leur manière une belle page du livre de l'amitié entre tous les Tunisiens, juifs et musulmans et aussi chrétiens, bahai, athées ou bouddhistes.
Bay Ram et Natanel nous ont aussi subtilement rappelé que l'hébreu est aussi une langue tunisienne.
Vernaculaire, employé au quotidien dans sa forme judéo-arabe, l'hébreu est aussi une langue de culture et de savoir comme en témoigne l'abondante littérature produite en Tunisie.
A mes yeux, Bay Ram et Natanel sont exemplaires dans leur démarche et nous pourrions voir fleurir mille fleurs dans leur sillage. Cela ne fera que renforcer leur mérite et leur geste pionnier.
Avant eux, en Tunisie, seul le grand Nja Mahdaoui avait excellé dans des performances graphiques avec ses lettres arabes débridées associées à des caractères en hébreu ou des idéogrammes nippons. À chaque fois, Mahdaoui intervenait en duo avec d'autres artistes.
Toutefois, Bay Ram et Natanel sont tous les deux Tunisiens et ont réalisé leur oeuvre en Tunisie, ce qui la rend d'autant plus précieuse.
Pour moi et je suis certain que nous sommes nombreux à le penser, ces deux potes sont non seulement des héros mais aussi des artistes qui, de leurs mains, reproduisent les gestes immémoriaux des copistes juifs et musulmans de la haute tradition.
Leur pas-de-deux, leur bonne entente, l'insécable de leurs jarres jumelles font de ces deux jeunes gens, des Tunisiens d'exception, des héros et de sublimes témoins.