Le costume et la jebba

Le costume et la jebba
National
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Rached Ghannouchi et Mohsen Marzouk sont venus, à l’occasion de la «Nuit du Destin», confirmer ce que nous pensions de l’inversion des rôles et des statuts dans une société en perte de… boussole, comme la nôtre, et où tout le monde, ou presque, s’amuse à brouiller les pistes, au point que l’on ne sait plus qui est qui, qui est avec qui et qui est contre qui ! Avec le «Cheikh» en costume «ifranji» et le «laïc» en jebba, il y a, en effet, de quoi perdre le nord, voire tous les points cardinaux à la fois ! Mais il faut se ressaisir et faire les analyses profondes et les lectures objectives qui s’imposent face à un événement comme celui du costume et de la jebba, qui a enflammé Facebook pendant quelques jours au détriment d’autres sujets que l’on croyait éminemment plus importants, comme les menaces de terrorisme qui pèsent sur le pays ou le «Mur du Sahara», qui, finalement n’en est pas un, et s’avère être un simple «fossé», si l’on en croit notre Président de la République. Après cette parenthèse, allons donc pour l’analyse ! Que faut-il voir, de prime abord, dans cette image du «Cheikh» en costume et du «laïc» en jebba, assis côte à côte sous le pilier d’une mosquée ? Rien, sauf que nous sommes en face de deux personnages interchangeables : Haj Moussa et Moussa El Haj ! Aujourd’hui, je porte la jebba, et toi le costume. Demain, nous ferons le contraire, mais entretemps, rien n’aura changé, sauf l’apparence extérieure ! Et en termes d’apparence extérieure, c’est le «Cheikh» qui a attiré le plus l’attention. Et de quelle manière ! Le seul en costume moderne, dans une mosquée et à l’occasion d’une cérémonie religieuse, et de surcroît officielle, où le port de l’habit traditionnel est souhaité, sinon exigé, le Cheikh a créé le «buzz» ! «Coup de com» que tout cela ? C’est la première hypothèse qui vient à l’esprit. La preuve ? On n’a pas cessé, des jours durant, de parler du «Cheikh costumé» et de son tour de renard rusé. Mais il faut remarquer que son coup médiatique a profité également à son voisin de pilier, le «laïc en jebba», puisque lui aussi a attiré l’attention, rien que par contraste avec l’accoutrement du «Cheikh». Sans cela, il serait certainement passé inaperçu parmi des centaines de personnalités arborant leurs belles jebbas. Le «Cheikh» a donc partagé (inégalement) la vedette avec «le laïc», cheikh d’une soirée. Mais derrière le coup de com, Ghannouchi avait certainement, et c’est là la deuxième hypothèse, un message à passer : «Plus moderne que moi, tu meurs !». Et qui de plus moderne qu’un islamiste qui s’affiche dans une mosquée en tenue de soirée ? Son ami «laïc» n’aurait pas osé le faire. Et, en réalité, il ne l’a pas fait, puisqu’il s’est présenté en jebba, comme le commun des mortels. Troisième hypothèse : Ghannouchi aurait voulu montrer qu’il s’en fichait royalement (n’est-il pas le Roi de la Nahdha ?) d’un protocole hérité, il faut le rappeler, de «l’ère Ben Ali» En bon «gardien de la révolution», le «Cheikh» aurait, par ce geste symbolique, envoyé balader un des rites de notre «jahiliya» moderne, marquant son refus de se mettre dans la jebba du tyran. Génial, comme hypothèse, vous ne trouvez pas ? De l’analyse, passons aux commentaires, si cela ne vous dérange pas ! Et le premier commentaire qui me vient à l’esprit prend la forme de cet adage bien connu : «L’habit (costume ou jebba, peu importe) ne fait pas le moine (qu’il soit «Cheikh» ou laïc) ». Il ne faut pas donc trop s’attarder sur les significations profondes que peut avoir le port d’un costume par un «Cheikh» ou le port d’une jebba par un «laïc». Si vous voulez, derrière l’un ou l’autre, chercher une symbolique, vous risquerez d’être déçu. Pour la jebba, nos ancêtres lui ont déjà dénié toute sacralité, en décrétant que «tahta-l-jabaieb, tara-l-ajaieb» (Que de surprises cachent les jebbas !). Et, entre nous, ils n’avaient pas tellement tort, puisqu’une jebba peut cacher ce qu’elle peut cacher. Suivez mon regard ! Pour le costume, il n’y a rien à creuser non plus côté symbolique. Sauf, peut-être, si vous vous arrêtez à la couleur où à la coupe. Mais vous n’aurez que de maigres résultats : votre objet d’étude est classique ou extravagant, fan de couleurs sombres ou plutôt claires. Dernier commentaire, avant de vous quitter : «Faites attention, Messieurs-dames ! Un «Cheikh», même en costume, peut en cacher un autre ! »

Adel Lahmar




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