Fichage sécuritaire en Tunisie : Ce que nous révèle « l’affaire Boussoumah »

Fichage sécuritaire en Tunisie : Ce que nous révèle « l’affaire Boussoumah »
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TRIBUNE | Par Vincent Geisser

[dropcap]L’[/dropcap]affaire Youssef Boussoumah n’est pas seulement une « gaffe policière » mais la preuve du maintien intact du fichage sécuritaire de l’Ancien régime. Dimanche 21 décembre : le militant Youssef Boussoumah, bien connu en France pour son activisme dans les milieux pro-palestiniens et porte-parole du Parti des indigènes de la République (PIR), a été refoulé à l’aéroport de Tunis-Carthage par la police.
Cette affaire pourrait apparaitre purement anecdotique : une simple gaffe policière, due à un problème d’actualisation des fichiers informatiques du ministère tunisien de l’Intérieur. [pull_quote_center]Or, derrière cet incident, en apparence mineur, se trame une question plus inquiétante : le maintien intact des fichiers sécuritaires de l’Ancien régime. En deux mots : les méthodes, les dossiers et les catégories de fichage ont été conservés après la Révolution. [/pull_quote_center] Pour ma part, j’en ai fait l’expérience à deux reprises. La première fois, juste après la Révolution (mois de février 2011), la police de l’aéroport m’a isolé dans la pièce réservée aux migrants africains en vue de me refouler. La seconde fois, en avril 2011, le policier effectuant les formalités d’admission a stoppé temporairement mon entrée sur le territoire tunisien. Dans les deux cas, j’ai du mon salut à l’intervention de militants des droits de l’Homme qui ont prévenu immédiatement les autorités compétentes. J’ai donc pu accéder au territoire tunisien. Mon collègue, François Burgat, directeur de recherche au CNRS, a vécu exactement la même expérience. Sa fiche sécuritaire de l’époque Ben Ali n’avait toujours pas été effacée après la Révolution. En résumé : les fichiers du ministère de l’Intérieur (et notamment ceux de la police politique), hérités de l’Ancien régime, sont maintenus en l’état, prêts à resservir à tout moment. Contrairement à l’Allemagne de l’Est, ex-RDA, où les fichiers de la Stasi ont été ouverts aux citoyens ordinaires (ils peuvent consulter leurs anciennes fiches sur simple demande), en Tunisie, une telle réforme n’a jamais été adoptée afin de préserver la « susceptibilité » de certains secteurs sécuritaires.

[quote_box_right] Il est fort à parier que dans les prochains mois, nous assistions à d’autres « affaires Boussoumah » qui toucheront cette fois-ci des citoyens tunisiens ou binationaux, maintenus dans les fichiers sécuritaires pour cause de résistance à l’ancienne dictature.

[/quote_box_right] Pourquoi cette réforme des fichiers sécuritaires du ministère de l’Intérieur n’a-t-elle jamais été entreprise ? Pour quelles raisons les citoyens tunisiens ne peuvent-ils toujours pas accéder aux fiches de la police politique de l'Ancien régime ? On peut se poser légitimement la question.



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