Fredrik Florén, nouvel ambassadeur de la Suède en Tunisie : "Votre pays est un exemple de success story"

Fredrik Florén, nouvel ambassadeur de la Suède en Tunisie : "Votre pays est un exemple de success story"
Diplomatie
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Fredrik Florén est le nouvel ambassadeur de la Suède en Tunisie. Sur Twitter, il a le compte @FredrikPFloren. Le 14 octobre, il a présenté ses lettres de créance auprès de la Présidence de la République tunisienne, au président Moncef Marzouki à Carthage.  M. Florén promet un renforcement des activités ici mais depuis des dizaines d'années, la Tunisie n'a toujours pas d'ambassade de Suède ; il fera donc la navette entre la Tunisie et la Suède. Interview 14/10/2014 | Par Lilia Weslaty D'abord, la question qui revient souvent : Pourquoi n'y a-t-il pas d'ambassade de Suède en Tunisie ? Certaines rumeurs parlent d'un conflit avec le régime Ben Ali... Je sais que la question est posée, et je vais devoir m’habituer à y répondre. L’ambassade a été fermée il y a 13 ans. Les raisons étaient économiques. Nous avions une crise financière et nous avons fermé cinq missions cette année-là. Il n'y a pas que Tunis où nous n'avons pas d'ambassade : il y a aussi à Bruxelles, à Dublin. En tant qu'ambasssadeur, j'oeuvrerai pour la relance des relations entre votre pays et le mien, pour approfondir nos relations. Vous niez donc ces rumeurs de conflit avec le régime qui auraient poussé votre État à fermer son ambassade en Tunisie ? Oui. C’était simplement une question financière. Vous arrivez en pleine campagne électorale en Tunisie, quelques jours avant les élections législatives, et après la révolution du 14 janvier 2011, qui a bouleversé la situation politique et sociale dans notre pays, en Tunisie, et dans le monde arabe. Comment concevez-vous votre présence ici, dans ce contexte de transition démocratique ? C’est vrai que je suis arrivé à un moment crucial pour la Tunisie. C’est très important pour la Suède, pour le nouveau gouvernement suédois, pour que la démocratisation réussisse. Votre pays est un exemple de "success story". La Tunisie est un exemple à suivre, à mon humble avis. Est-ce que vous avez eu des appréhensions en arrivant ici ? J'ai suivi de près ce qui se passait dans la région. J’ai travaillé neuf ans sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Stockholm, dans le Département MENA au ministère. Je crois que j’ai une perspective de ce qui s’est passé. Certes, c’est très complexe, il y a eu des bouleversements et cela se passe très vite. La démocratisation en Tunisie est dans une étape très importante. La Suède a débuté son partenariat avec la Tunisie dans les années 60... Nous avons également plus de 20 ans de coopération pionnière où nous avons contribué à l’infrastructure de la Tunisie. Après ces vingtaines d'années, quand votre économie s’est renforcée, nous avons eu comme priorité l'éradication de la pauvreté plus au sud en Afrique. Depuis la révolution de 2011, nous avons commencé un programme bilatéral pour la démocratisation et les droits de l’Homme. Notre contribution a été de 25 millions d’euros, depuis 2011 en Tunisie. L'un des projets dans lesquels nous avons investi a été la formation des juges. Nous travaillons aussi avec l’ONU, les différentes organisations, les avocats, la société civile. Je crois que nous avons maintenant 9, 10 forums sur la démocratisation et les droits de l’Homme... Certes, nous nous focalisons sur la démocratisation et les droits de l’Homme : la Suède veut être un partenaire pour la démocratie. Mais on va aussi travailler sur le renforcement des liens commerciaux. C’est vrai qu’ ici nous avons notre propre intérêt, “self interest”, de faire de la promotion pour les compagnies, les entreprises suédoises. Mais c’est aussi un facteur clé en Tunisie d’avoir de nouveaux emplois, et ça me fait plaisir qu’il y ait des entreprises suèdoises ici, qui emploient plus de 4000 personnes, et j’ai hâte de les connaître. Nous avons par exemple “Autoliv”, qui a une production ici à Tunis, qui emploie 2000 personnes, une compagnie de sécurité d’automobile. Une autre qui s’appelle Transcom. Et puis il y a Oriflame, qui emploie 1000 personnes à temps plein comme consultants. Nous travaillons pour qu'il y ait une évolution au niveau de la coopération et du business, un partenariat politique et économique. Vous avez dit que vous avez travaillé neuf ans au département MENA en Suède ; vous avez voyagé, avez-vous vécu des situations similaires, de post-dictature et de transition, comme ce qu’on vit en ce moment en Tunisie ? Oui. J’ai travaillé longtemps avec la Palestine, le Liban, la Syrie... Ce printemps, j’étais à Téhéran, où j’ai été avec le ministre des Affaires étrangères. J’ai été une fois à Tindouf en Algérie, plusieurs fois à Gaza, donc je garde un souvenir très spécial de mes visites. Je trouve ces régions très importantes pour la Suède, et pour l’Union européenne. La Suède est directement influencée par le développement ici. En effet, il y a le conflit de l’Irak et la Syrie... La Suède est actuellement le plus grand récepteur de réfugiés, outre l’Allemagne, et l’un des bailleurs humanitaires les plus importants. Nous sommes très engagés également concernant le conflit entre Israël et Palestiniens. Le nouveau gouvernement suédois vient de prendre une position claire et publique pour reconnaître l’État palestinien officiellement, et ça c’est très important. Je crois que ça donne un signal, pour trouver un équilibre entre les deux partenaires. Je crois que cette décision peut influencer d’autres pays. Nous avons suivi, lundi, le vote au parlement britannique, qui a été favorable pour la reconnaissance de la Palestine comme État. La position suédoise et la nouvelle ministre des Affaires étrangères Margot Wallstrom a eu une réception chalereuse à la conférence de Gaza au Caire. Quels sont les programmes de développement que vous avez l’intention de concrétiser en Tunisie ? Premièrement, ce que je voudrais faire comme nouvel ambassadeur, c’est connaître nos partenaires, où on a déjà une collaboration bien sûre, mais aussi connaître vraiment la société civile, les différents partis politiques après les élections, les différents acteurs politiques. C’est vrai que dans le développement, il faut avoir de longues perspectives. Moi, je peux donner mon avis. En Suède, c’est “Lasty”, la chance, qui gère la collaboration politique et qui est responsable de la gestion de la collaboration politique. Mais bien sûr il y a un dialogue avec le gouvernement sur le fonctionnement. Je voudrais aussi, comme je viens de vous le dire, renforcer le business entre les deux pays. Ma perspective, c'est un dialogue avec les autorités, la sociététe civile et nos partenaires. L’organisation de la coopération suédoise, l'ASDI, est responsable pour la gérance, et le gouvernement pour la stratégie. La perspective est de long terme. Je donnerai mes avis. Je trouve que le statut de la femme en Tunisie est vraiment digne de fierté, et c’est aussi un atout pour la Tunisie pour développer son économie dans l’avenir. Je crois que le rôle de la femme est important, quand il s'agit d'entrepreneuriat, pour créer des nouveaux emplois. Hier soir, j'ai rencontré beaucoup d'étudiants au programme de l’Institut suédois, “She entrepreneurs”, qui rassemble des entrepreneurs femmes de toute la région MENA. Dans un autre événement au Technopôle, j’ai donné un discours sur l’entrepreneuriat et les droits de l’Homme. Cette semaine, j’ai rencontré 200 personnes, et j’ai vu une jeunesse très énergique. C’est à vous, bien sûr, les Tunisiens, de trouver des solutions. Nous pouvons avoir des conseils comme partenaires. Je crois que l’État a une responsabilité très grande dans le domaine économique, de mettre les règles de “fair play”, de la bonne gouvernance, d’État de droit, système d’impôt qui fonctionne... Je trouve que c’est très important de continuer de lutter contre la corruption. Nous avons été impressionnés par le programme, la mission qui a été présentée à la conférence “Invest in Tunisia, Start-Up Democracy". Je crois que le monde entier maintenant va s’intéresser beaucoup aux élections, et nous partageons le désir que la démocratisation réussisse et que vous gardez cet esprit de consensus. La Suède est connue pour cette culture de consensus... C’est vrai que nous avons eu un modèle, qui a eu beaucoup de succès, de démocratisation, où on a eu un climat de consensus. Nous avons eu des différences en interne, mais les partis politiques ont toujours pu garder quand même le langage civil, dans les grandes réformes comme les pensions et la défense. Il y a souvent des solutions, qui sont majoritaires. Ça a été réussi pour le développement. Il y a des Tuniso-Suédois qui ont un problème au niveau de la situation ici, qui me disent : "Nous sommes nés en Suède, mais on vit ici, on a la double nationalité et on se retrouve dans des conditions moins bonnes que le fait d’être Suédois, au niveau du travail, mais surtout de la justice, c'est comme si on n’était pas Suédois, alors qu'un autre citoyen Suédois, qui n’est pas Tunisien, a plus d'avantages." Le drame d'une citoyenne tuniso-allemande, Ahlem Dalhoumi, tuée par la police avec sa cousine Ons, angoissent certains car ils voient que le dossier n'avance pas, face au flou procédural en Tunisie... Comment réagirait la Suède dans ce genre de cas ? Nous avons un consulat général ici qui s’occupe du travail consulaire quotidien bien sûr. On peut aussi se diriger vers le ministre. Moi-même, je travaillerai aussi avec les questions consulaires les plus compliquées. Je dois dire que je n’ai pas entendu parler de ce problème, mais il existe bien sûr la possibilité de se diriger vers nous, pour avoir des informations ou pour agir. En ce qui concerne le travail consulaire, pour nous c’est très clair, c’est pour tous les Suédois, selon la convention de Vienne. Je vous donne par ailleurs le cas d'un réfugié qui vient s’installer en Suède, qui n’a pas la nationalité suédoise et qui est en voyage. Cette personne qui a un domicile en Suède, cette personne aura le plus grand accès à notre assistance consulaire, par rapport à une personne qui à quitté la Suède il y a bien longtemps. Mais il faut voir tous les cas, cas par cas. Et les questions consulaires sont très importantes. Combien de Tuniso-Suédois et de Suédois en Tunisie ? Je crois qu’il y en a entre 300 et 400, parce que nous ne faisons pas de liste. Nous avons une possibilité, si quelqu’un veut s’inscrire, on peut le faire, ouverts à eux. J’ai été informé de 400. Y aurait-il une possibilité pour l'ouverture d'une ambassade de Suède en Tunisie ? Je n’exclurai pas cela, pas du tout. Maintenant on vient d’avoir un nouveau gouvernement. Je suis sûr qu'après quelques mois, il va analyser notre présence dans le monde entier et ici, en Tunisie. Mais pour le moment, je ferai la navette très intensive.



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