Des étudiants de l'ENSI (Ecole nationale des sciences de l’informatique à Tunis), l’une des plus prestigieuses écoles pour l’élite tunisienne, font grève dans leur établissement depuis neuf jours pour «dégager» la professeur et directrice Mme Leila Azzouz Saidane. Les étudiants accusent la directrice de népotisme pour avoir intégré son fils d’une manière illégale, d’après leurs propos.Après avoir épuisé les «moyens réguliers» pour faire entendre leur voix, notamment auprès du chef du cabinet du ministère de l'enseignement supérieur M. Sofien Mansouri (islamiste d’Ennahdha emprisonné pour l’affaire de La nuit du congrès 1993), la mobilisation s’intensifie.
Dans cet entretien, l’un des étudiants de l’ENSI, M. Bassem Hamdi, répond à nos questions au sujet de la grève.
Interview par Lilia Weslaty
L.W - Des étudiants de l'ENSI font grève depuis le mercredi 5 mars, un jour après la nomination de la nouvelle directrice, pour "dégager" la professeur et directrice de votre école Leila Azzouz Saidane, pouvez-vous nous expliquer les raisons ?
B.H - Madame Leila Azzouz Saidane est une professeur dans notre établissement avant sa nomination en tant que directrice, elle a intégré son fils licencié de l'ISI Ariana (l'institut supérieur de l'informatique) d'une façon illégale et illégitime dans notre école de formation des ingénieurs.
Nous n'avons plus aucune confiance en cette enseignante qui s'est permis de faire rentrer un intrus chez nous et mettre en question notre diplôme d'ingénieur vis-à-vis des recruteurs ainsi que les écoles étrangères renommées avec lesquelles nous avons des coopérations.
Ce poste de directrice donnera à cette enseignante un pouvoir pour abuser encore plus en lui faisant gagner une marche dans l'échelle hiérarchique.
L.W - Vous dites que son fils a intégré l'école d'une manière illégale, expliquez cela ?
B.H - Selon la loi, l'accès à l'ENSI se fait par deux voies uniquement, soit le concours national d'accès aux écoles de formation des ingénieurs (pour les écoles préparatoires) soit par un concours spécifique donnant une faveur aux majeurs de promotion de quelques instituts (tels que l'ISI ou l'ISAMM).
Cet intrus, Selim Saidane fils de l'actuelle "directrice", est licencié de l'institut supérieur de l'informatique de l'Ariana, ayant un classement très modeste, pour ne pas dire médiocre, pendant son cursus universitaire à l'ISI. Vous pouvez le voir sur relevé des notes des étudiants de l'ISI en première année au cycle de licence, cet étudiant est admis par compensation, c'est-à-dire qu'il a la moyenne mais n'a pas validé tous ses crédits !
En consultant le site du MES (Ministère de l’Enseignement Supérieur), nous avons vérifié que cet étudiant ne figure pas dans la liste des admis aux concours spécifiques 2013 pour l'accès à l'ENSI.
Une projection des faits sur la loi montre clairement que cet étudiant n'a aucun droit d'intégrer l'ENSI.
L.W - Avez-vous contacté le ministère de l'enseignement supérieur, avec une pétition, sans recourir à une grève pour ne pas bloquer les cours ?
B.H - Il faut préciser que cette grève était notre dernière solution. Nous avons bien avant tout ça contacté la direction générale des études technologiques (DGET) pour demander si cette situation est bien légale ou non, leur réponse était claire, cet étudiant n'est pas qualifié pour intégrer l'ENSI.
Ensuite tous les étudiants ont signé une pétition que nous avons donnée à l'ex-chef du cabinet du ministère de l'enseignement supérieur M. Sofien Mansouri pour demander d'investiguer sur cette affaire et de nous expliquer comment cela s'est passé, sur quelle base ou loi cet étudiant se retrouve aujourd’hui inscrit à l'école. Nous avons pris une décharge, des mois sont passés … et nous n’avons eu aucune réaction du ministère.
Le 26 février 2014 nous nous sommes déplacés en masse devant le MES vu que notre école est démunie de directeur et de directeur des études (tous deux démissionnaires) depuis quatre mois ce qui a isolé complètement notre école administrativement. Même les diplômes de la promotion 2013 ne sont pas encore délivrés, des bourses d'alternance à l’étranger non affectées pour les PFE (Projet de Fin d’Etudes), délibération des résultats semestriels...
Cinq parmi nous ont rencontré encore une fois l'ex-chef du cabinet M. Sofien Mansouri pour lui demander de nous désigner un directeur pour résoudre ces problèmes mais nous avons insisté sur le fait que nous refusons Madame Leila Azzouz Saidane, contre laquelle nous avons les réserves susmentionnées.
Le 4 Mars, un jour avant la grève, le MES nous a désigné une directrice, Madame Leila Azzouz Saidane...
L.W - Qu'attendez-vous exactement du ministère de l'enseignement supérieur ?
B.H - Nous avons quatre exigences inflexibles à aucune modération pour finir notre grève :
- Une enquête sur l’admission du fils de la directrice.
- Une rencontre avec le ministre.
- Le licenciement de la directrice qui a recours à ce genre de pratiques.
- Etablissement d’un dialogue autour des problèmes dans l’établissement.