Créés en 2017 en marge de la 70e édition du Festival de Cannes, les Critics Awards for Arab Films reviennent cette année encore sur la Croisette pour leur neuvième édition. Cette initiative portée par le Arab Cinema Center (ACC), en partenariat avec Festival Scope, récompense chaque année les meilleures productions arabes récentes, toutes catégories confondues. Si la compétition n’est évidemment pas intégrée à la sélection officielle du Festival, elle y trouve néanmoins un cadre stable et symbolique, tant Cannes reste un point de convergence central pour les cinémas du monde.
Depuis ses débuts, la cérémonie de remise des prix a toujours eu lieu à Cannes, soulignant l’importance de ce festival comme espace d’échanges et de visibilité pour le cinéma arabe. C’est à Cannes que les films primés bénéficient d’une reconnaissance élargie, auprès des professionnels, des journalistes et des institutions. C’est aussi dans ce contexte que les jurés se rencontrent, débattent, et participent à faire exister cette lecture critique collective du cinéma arabe.
Pour cette édition 2025, 281 critiques venus de 78 pays ont été mobilisés, un chiffre en constante augmentation. Ils ont été invités à visionner et évaluer 63 films, longs et courts, en provenance de plusieurs pays arabes et de la diaspora. Les prix seront attribués dans dix catégories : meilleur long métrage, meilleur documentaire, meilleur court métrage, meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleure actrice, meilleur acteur, meilleure photographie, meilleur montage et meilleure musique.
Parmi les œuvres soumises au vote, plusieurs ont déjà circulé dans des festivals prestigieux et reçu une reconnaissance notable. Le documentaire palestinien No Other Land, écrit et réalisé par Yuval Abraham, Basel Adra, Hamdan Ballal et Rachel Szor, a remporté plusieurs prix internationaux, dont l’Oscar 2025 du meilleur documentaire. From Ground Zero, de Rashid Masharaoui, a été shortlisté aux Oscars la même année. Ce dernier avait fait sa première au Palais des festivals en 2024, dans le cadre d’un événement parallèle à Cannes, avant de voyager dans le monde entier.
D’autres films en compétition avaient été sélectionnés à Cannes 2024. Everybody Loves Tonda, de Nabil Ayouch, avait été présenté dans la section Un certain regard. Norah, réalisé par Tawfik Alzaidi, avait obtenu une mention spéciale du jury dans cette même section. The Village Next to Paradise, de Mo Harawe, figurait également dans la sélection Un certain regard.
La Semaine de la critique avait retenu plusieurs titres marquants : Les filles du Nil, qui a remporté l’Œil d’or du meilleur documentaire, Les fantômes, réalisé par Jonathan Mille et présenté en séance d’ouverture, ainsi que La mer au loin de Saïd Hamich Benlarbi, montré en séance spéciale. Tous ces films, bien qu’ils participent aux Critics Awards, doivent une part importante de leur exposition initiale au Festival de Cannes.
Du côté tunisien, quatre films sont en lice cette année :
– Agora, d’Ala Eddine Slim, sélectionné notamment au festival du Film de Locarno et du festival du Film de la Mer Rouge ;
– Aïcha, de Mehdi Barsaoui, qui avait fait sa première au festival de Venise ;
– Les enfants rouges, de Lotfi Achour, qui a remporté deux prix important au Festival de la Mer Rouge : meilleur film et meilleur réalisateur ;
– La source, de Meryam Joobeur qui a fait sa première au Festival de Berlin et qui a remporté le Prix du meilleur film arabe au festival du Film d’El Gouna.
Ils témoignent d’une présence tunisienne active et diversifiée, portée par des cinéastes confirmés ou en devenir.
Depuis la création des Critics Awards for Arab Films, la Tunisie y a toujours brillé, remportant pratiquement chaque année, plusieurs distinctions. En 2024, elle s’est particulièrement illustrée avec quatre prix remportés : trois pour Les filles d’Olfa de Kaouther Ben Hania (Meilleur documentaire, Meilleure réalisatrice et Meilleur montage), ainsi qu’un prix pour le compositeur Amine Bouhafa.
L’organisation de cette compétition reste sous la responsabilité du Arab Cinema Center, structure à but non lucratif fondée il y a une dizaine d’années et enregistrée à Amsterdam. Animé par MAD Solutions, l’ACC agit comme un relais de promotion du cinéma arabe, en soutenant ses créateurs et en favorisant les collaborations internationales. Les Critics Awards en sont l’un des projets les plus visibles.
Alaa Karkouti et Maher Diab, fondateurs de l’ACC, soulignent que ces prix permettent d’attirer l’attention sur des œuvres parfois fragiles en termes de distribution, mais dont la valeur artistique est indéniable. Deborah Young, responsable du comité des Critics Awards, insiste quant à elle sur le rôle fédérateur de cette compétition, qui réunit des regards multiples sur une production cinématographique en constante évolution.
Cette année, j’ai rejoint pour la première fois le jury des Critics Awards for Arab Films, après avoir participé à celui des Arab Critics Awards for European Films, également organisés par le Arab Cinema Center. C’est un engagement critique que j’assume avec attention et amour.
En remettant les Critics Awards for Arab Films à Cannes et pendant le festival, cette compétition offre aux films arabes une visibilité précieuse, au cœur même de l’un des plus grands festivals mondiaux. La cérémonie attire une audience internationale, composée de cinéastes, de critiques et de journalistes venus des quatre coins du monde, créant ainsi un véritable carrefour pour la reconnaissance des œuvres arabes. À travers cette plateforme, les films primés bénéficient non seulement d’une reconnaissance auprès des professionnels du cinéma, mais aussi d’une diffusion accrue qui dépasse les frontières. En cette 9e édition, la continuité de cet engagement confirme l’importance de Cannes comme un lieu stratégique pour l’épanouissement et l’internationalisation du cinéma arabe, permettant à de nouvelles voix et à des talents émergents d’atteindre un public global.
Neïla Driss