Il s’est écoulé une douzaine de jours depuis la clôture du 76ème festival de Cannes, marquant ainsi le moment propice pour dresser un bilan de cette édition.
Dans l’ensemble, le festival a proposé une sélection remarquable de films, mettant en avant à la fois des réalisateurs confirmés tels que le turc Nuri Bilge Ceylan et l’italien Marco Bellocchio, que des jeunes talents très prometteurs comme la tunisienne Kaouther Ben Hania et la sénégalaise Ramata-Toulaye Sy, dont le premier film a été sélectionné en compétition officielle longs métrages.
Cette ouverture vers de nouveaux réalisateurs s’est accompagnée d’une ouverture géographique vers de nouveaux pays, tels que le Soudan et la Moldavie, permettant de découvrir de nouvelles cultures cinématographiques et enrichissant ainsi la diversité de l’événement.
Cet élargissement des horizons a particulièrement profité au cinéma africain et au cinéma arabe, avec pas moins de 14 films arabes sélectionnés dans les différentes sections, dont 12 en compétition. Sept de ces films ont d’ailleurs remporté des prix, témoignant de la qualité et de la pertinence de ces productions cinématographiques.
Cependant, il est regrettable de constater que certains films de la compétition officielle n’ont pas été sélectionnés pour leur qualité intrinsèque, mais plutôt pour la renommée de leurs réalisateurs. De grands noms du cinéma ont ainsi proposé des œuvres en deçà des attentes. On peut citer notamment Ken Loach avec son film The Old Oak, Todd Haynes et May December, Karim Aïnouz et Firebrand, ainsi que Nanni Moretti avec Il Sol Dell’avvenire. Le jury n’a d’ailleurs pas été dupe et a choisi de les ignorer lors de la distribution des prix.
Concernant le palmarès, on a constaté peu de surprises. Les films récompensés étaient généralement ceux qui avaient été salués par les critiques et le public. Cependant, une question reste en suspens : pourquoi le choix de la Palme d’Or s’est-il porté sur Anatomie d’une chute plutôt que sur Zone of Interest ?
Cette 76ème édition a également été marquée par une présence féminine plus importante, ce qui soulève la question de l’influence de la nouvelle présidente du festival. En effet, la part de réalisatrices sélectionnées en compétition officielle a atteint un record de 33% cette année (7/21). Cependant, il est important de noter que malgré cette progression, on est encore loin d’atteindre la parité entre femmes et hommes.
Si l’on se penche sur l’historique, on constate une augmentation progressive de la présence des réalisatrices à Cannes. Dans les années 2000, elles représentaient seulement 9% des films en compétition officielle, puis ce chiffre est passé à 12% dans les années 2010, pour atteindre 24% depuis 2021. Néanmoins, le nombre de films sélectionnés réalisés par des femmes reste bien inférieur à celui réalisé par des hommes, avec seulement 93 films sur les 76 éditions du festival, contre 1697 réalisés par des hommes.
En ce qui concerne les récompenses, les chiffres demeurent faibles. Depuis la création du festival de Cannes, seulement 2,25% des Palmes d’Or ont été décernées à des réalisatrices, tandis que Berlin et Venise affichent des chiffres plus élevés avec respectivement 8% d’Ours d’Or et 11% de Lions d’Or remportés par des femmes. Dans les trois festivals combinés, les Grands Prix ont été attribués entre 4% et 9% du temps à des réalisatrices.
La réalisatrice française Justine Triet a remporté la Palme d’Or du 76ème Festival de Cannes pour son film Anatomie d’une chute. Elle devient ainsi la troisième réalisatrice à remporter ce prestigieux prix, aux côtés de Jane Campion pour La Leçon de Piano (Palme d’Or ex-aequo en 1993) et de Julia Ducournau pour Titane (Palme d’Or en 2021).
Au total, neuf réalisatrices ont été primées lors du Festival de Cannes de cette année, que ce soit en compétition officielle ou dans les sections parallèles. Outre Justine Triet et sa Palme d’or, il y Flóra Anna Buda, qui a remporté la Palme d’Or du court-métrage pour 27, Molly Manning Walker, lauréate du Prix Un Certain Regard pour How to Have Sex, Renée Nader Messorai, coréalisatrice avec João Salaviza du film Crowrã (La Fleur de Buriti) qui a remporté le Prix d’Ensemble Un Certain Regard et Asmae El Moudir qui a remporté le Prix de la Mise en scène Un Certain Regard pour La Mère de tous les mensonges. D’autres réalisatrices, telles qu’Elena Martín Gimeno, Amanda Nell Eu, Paloma Sermon-Daï et Iris Kaltenbäck, ont également été reconnues pour leurs œuvres.
Il est important de souligner les autres récompenses attribuées à différentes réalisatrices lors du festival, notamment à Kaouther Ben Hania qui s’est distinguée en remportant quatre prix, dont l’Œil d’Or du meilleur documentaire ex-aequo avec Asmaé El Moudir.
Toutes ces récompenses témoignent de la reconnaissance du talent des femmes cinéastes et de leur contribution significative à l’industrie cinématographique.
Cannes 2023 – Sept réalisatrices en compétition officlle longs métrages
La mise en place de la billetterie électronique lors du festival de Cannes a engendré d’importants problèmes logistiques. Initialement instaurée en 2021 en réponse à la pandémie du Covid, elle a été reconduite en 2022 et 2023, mais son fonctionnement s’est révélé désastreux, et pire encore, elle n’a même pas réussi à résoudre le problème des longues files d’attente, ce qui était pourtant son objectif principal !
Ce système de billetterie électronique a rendu l’expérience moins attrayante, car les festivaliers sont contraints de choisir parmi les billets disponibles, plutôt que de sélectionner les films qu’ils souhaitent réellement voir, ce qui est peu agréable. De plus, l’algorithme utilisé pour la billetterie électronique semble échapper à toute logique compréhensible.
En outre, les billets doivent être réservés quatre jours à l’avance, ce qui ne permet aucune flexibilité pour s’adapter aux circonstances. Il n’y a aucune possibilité de modifier les horaires en fonction des imprévus.
Devoir se réveiller avant 7h00 du matin, heure d’ouverture de la billetterie, est également une contrainte, car à peine quelques minutes de retard peuvent signifier l’épuisement des stocks de billets. Cette contrainte horaire ne permet pas de se reposer convenablement, en particulier si l’on a assisté à une séance tardive la veille. À la longue, ce rythme devient épuisant, et il est difficile de tenir pendant les douze jours du festival.
La question se pose alors : pourquoi 7h00 ? Pourquoi ne pas ouvrir la billetterie à 8h00, par exemple ? Une telle modification pourrait permettre aux festivaliers de bénéficier d’un peu plus de repos et de mieux gérer leur énergie sur la durée du festival.
Un autre aspect regrettable est la priorité accordée, lors de certaines projections, aux égéries de marques partenaires, aux « influenceurs » et aux divers officiels ou personnalités célèbres, au détriment des personnes qui désirent réellement visionner les films. Des billets leur sont réservés, mais ils n’en tirent pas profit, se contentant parfois de faire une montée des marches et de s’éclipser discrètement par l’entrée des artistes. Ainsi, les séances sont annoncées comme étant « complètes », alors que de nombreux sièges restent vides. Il est vrai que parfois ces places sont occupées par des personnes ayant fait la queue en dernière minute, mais la question qui se pose est : pourquoi ?
Il est évident que la présence de célébrités et d’influenceurs, surtout lors des montées des marches, génère une grande visibilité pour le festival et ses partenaires. Cependant, cette pratique soulève des interrogations sur l’équité dans l’accès aux projections et met en évidence une préférence accordée à certaines catégories de spectateurs au détriment des véritables cinéphiles ou professionnels du cinéma. Cela crée une frustration pour ceux qui souhaitent vivre pleinement l’expérience du festival et qui se retrouvent confrontés à des salles comportant des fauteuils vides alors qu’ils auraient pu occuper ces places.
Pour l’avenir, il est essentiel de repenser la politique de distribution des billets et de veiller à ce que les places soient attribuées de manière équitable, et pourquoi pas en privilégiant les passionnés de cinéma et les personnes réellement intéressées par les projections. Cela permettrait de valoriser l’expérience cinématographique et de rendre le festival de Cannes accessible à tous ceux qui en ont réellement l’envie et la passion.
Neïla Driss