Des agressions quotidiennes, des menaces de mort, de l’intimidation, des licenciements abusifs, des arrestations et des interrogatoires, des chefs parachutés et dépourvus de tout mérite et compétences, tel est le quotidien des journalistes Tunisiens depuis le 23 Octobre 2011. La fréquence des abus contre les journalistes monte crescendo et la liberté de presse est menacée comme elle ne l’a jamais été.
Des licenciements abusifs et des départs pour des raisons liées à la ligne éditoriale
Depuis deux ans, plusieurs journalistes ont quitté ou ont été contraints à quitter leur poste parce que le contenu qu’ils présentent dérange. Nous allons nous limiter à des exemples de dernière minute. En effet, après une interview choc avec Rached Ghannouchi, Hamza Belloumi et Sofiene Ben Farhat claquent la porte de Nessma. Ce dernier se retrouvera quelques jours après renvoyé de la radio privée Shems FM après avoir été le matin même menacé par un membre du parti au pouvoir. Il entame une grève de la faim.
Hamza Belloumi et Sofiane Ben Farhat démissionnent de #NessmaTv – Amywebhouse
Des nominations partisanes dans les institutions publiques
Depuis son arrivée au pouvoir, la Troïka essaye d’assurer sa main mise sur les médias étatiques à travers des nominations. Le personnel et les syndicats font de la résistance afin de préserver l’indépendance de leurs institutions. Plusieurs grèves et mouvements ont été organisés. La dernière date d’hier.
Mouvement de grève lancé à l’initiative du Syndicat national des journalistes tunisiens contre les nominations à la tête de 5 radios publiques – Montasser Edrissi
Ettounsiya Gate, une voix qui gène de moins
Avec une équipe jeune et dynamique et peu de moyens, la chaîne Ettounsiya a réussi à se placer au top de l’audimat avec cinq ou six émissions uniquement. L’émission « Attasiâa Masaâ » et les guignols du « Logik Essiassi » ont été embarrassants pour le pouvoir. Le directeur d’Ettounsiya Sami Fehri est en prison depuis plus d’un an malgré toutes les décisions de justice en la faveur de sa libération. La chaine Ettounsiya s’est retrouvée après amputée de sa fréquence et a perdu énormément de sa popularité.
J’ai des nouvelles ! Ettounsiya Tv est de retour demain sur les fréquences d’El hiwar Tv ! #Tunisie – Nesrine Sherif
Taher Ben Hassine dans le collimateur du pouvoir
Taher Ben Hassine est un ancien membre du groupe « Perspectives » et un opposant farouche à Bourguiba et Ben Ali. Il fut d’ailleurs un prisonnier politique. Grace à sa chaine Al Hiwar fondée en 2003, Taher Ben Hassine militait pour une voix libre et contre le blackout médiatique imposé par le régime de Ben Ali. Al Hiwar a couvert courageusement le soulèvement populaire au bassin minier en 2008. Il y a quelques temps, le siège de la chaîne Al Hiwar a été saccagé. Taher Ben Hassine fait l’objet d’une procédure de justice suite à une plainte de la présidence de la république. Il a failli être arrêté, sauvé in extremis par ses confrères. Sa fille a également été empêchée de quitter le sol tunisien.
Amine Mtiraoui, victime éternel de tabassage
Les journalistes sont devenus la cible d’agressions par des agents de l’ordre et par certains citoyens. A chaque fois, on essaye de les empêcher de faire parvenir l’image, la vérité aux citoyens. Amine Mtiraoui, jeune journaliste du collectif Nawaat est devenu un symbole. Il est souvent victime d’agressions. Les journalistes d’Al Hiwar, de Nawaat et des médias étatiques sont les plus ciblés. Les agressions ont également été commises sur des journalistes et des reporters étrangers en Tunisie. L’agression n’est pas uniquement physique mais également verbale. Beaucoup de politiciens, souvent affiliés à la Troïka, se sont permis de menacer ou d’accuser des journalistes sur antenne. Amel Chahed en fut victime. Néjiba Hamrouni présidente du SNJT a été pendant une longue période victime d’une campagne raciste à cause de sa couleur.
Hier des intrus sont passés au SNJT demander après Néjiba Hamrouni, on craint vraiment pour elle… – Nadia Haddaoui
En prison pour avoir filmé un œuf atterrir sur un ministre
Mourad Mehrzi un jeune cadreur de la chaîne en ligne Astrolabe TV est en état d’arrestation depuis plus de deux semaines. Son chef d’accusation est d’avoir filmé un producteur jeter un œuf sur le ministre de la culture Mehdi Mabrouk.
Liberté pour Mourad Mehrzi, le caméraman d’@AstrolabeTV arrêté suite à l’affaire de l’oeuf – MoonNeighbour
Le bilan de deux ans de transition en termes de liberté de presse est honteux pour un pays qui aspire à une transition démocratique. La parole libre s’est retrouvée entre le marteau du pouvoir et l’enclume de l’argent et de l’audimat. La Tunisie est de plus en plus visée par Reporters Sans Frontières et Human Rights Watch. La Tunisie a d’ailleurs perdu quatre places dans le classement de Reporters Sans Frontières et se retrouve au rang 138 après le Maroc, L’Ethiopie et la Libye.