Alors que les cryptomonnaies deviennent un levier de choix pour les blanchisseurs d’argent, la Tunisie s’oriente vers une loi spécifique pour encadrer et sanctionner ces pratiques émergentes. Un enjeu juridique et économique au cœur d’un colloque organisé ce 4 juin à Tunis.
Face à l’évolution rapide des techniques de criminalité financière, la Tunisie s’apprête à franchir un nouveau cap législatif pour mieux encadrer les délits liés à l’usage de cryptomonnaies dans les opérations de blanchiment d’argent. Une nécessité devenue urgente selon les experts juridiques tunisiens, réunis ce mercredi dans le cadre d’un colloque organisé par le Centre d’Études Juridiques et Judiciaires (CEJJ) du ministère de la Justice.
Zied Dridi, chef de l’unité des sciences criminelles au sein du CEJJ, a rappelé, dans une déclaration rapporté par l’agence TAP, que le blanchiment d’argent représente aujourd’hui une menace systémique pour les économies nationales, et ce à l’échelle mondiale. Il a souligné que la Tunisie s’est dotée dès 2015, puis à travers l’amendement de 2019, d’un cadre légal strict pour lutter contre ce fléau, particulièrement lorsqu’il est lié à des activités criminelles ou terroristes.
Mais les défis évoluent. L’émergence des monnaies numériques a modifié les modes opératoires des réseaux criminels. Pour y faire face, le Centre prévoit l’élaboration d’une approche multisectorielle, impliquant les autorités judiciaires, financières et de contrôle, afin d’identifier les flux de capitaux suspects et d’améliorer la traçabilité des transactions virtuelles.
Lors du colloque, Inès Youssef, maître-assistante à la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, a alerté sur le rôle grandissant que joue la cryptomonnaie dans les circuits du blanchiment d’argent. Elle a précisé qu’en l’absence de législation spécifique, les affaires liées à l’usage de monnaies numériques sont actuellement traitées selon le droit général en vigueur, ce qui limite les moyens d’action du système judiciaire.
Plusieurs projets de loi sont en cours d’étude afin d’adapter l’arsenal juridique tunisien aux réalités du numérique et d’anticiper les formes futures de criminalité financière. L’objectif est double : mieux protéger l’économie nationale et renforcer la coopération internationale en matière de lutte contre la criminalité transfrontalière.