Il y a des silences qui en disent long. Celui qui s’installe, dĂ©sormais, derrière les portes closes du CinĂ© Jamil El Menzah 6 a la douceur mĂ©lancolique des fins d’époque. Ce cinĂ©ma, qui fut bien plus qu’une salle obscure, vient de tirer dĂ©finitivement sa rĂ©vĂ©rence – et avec lui, c’est un morceau du cĹ“ur cinĂ©phile de Tunis qui s’éteint.
Dans cette salle, combien d’amitiés sont nées, combien de rêves ont pris forme dans l’ombre tremblante des images projetées ? Le Ciné Jamil n’était pas qu’un lieu de diffusion : c’était un refuge pour les amoureux du grand écran, un espace de liberté où les films tunisiens côtoyaient les œuvres du monde, où les voix du public prolongeaient souvent la séance, autour d’un café, en discussions passionnées.
Aujourd’hui, le projecteur s’arrĂŞte, la poussière retombe sur les fauteuils, et les Ă©chos des applaudissements s’éloignent comme un souvenir fragile. On ne sait pas ce qui a prĂ©cipitĂ© la fermeture – le poids des annĂ©es, la crise du cinĂ©ma, ou simplement l’usure d’un rĂŞve. Peu importe. Ce qui reste, c’est la trace lumineuse de ce lieu dans la mĂ©moire collective : celle d’un cinĂ©ma qui, pendant des dĂ©cennies, a su faire battre le cĹ“ur d’El Menzah 6.
Ce soir, les cinéphiles n’iront pas au Jamil. Mais quelque part, dans la pénombre de leurs souvenirs, la pellicule continue de tourner.