À bien des égards, ce qui se déroule depuis quelques semaines au Club Africain rappelle à nos souvenirs ce que l’Étoile vivait en pareille période, il y a un an. Hafedh Hemayed, qui venait alors d’être élu « démocratiquement », multipliait les déclarations, et disait à qui voulait l’entendre son méga projet de faire de l’Étoile un Barça arabe. L’ivresse du rêve n’avait point de limites avec une campagne de recrutements sans précédent. Le tout sous la houlette de Khaled Ben Sasi, rebaptisé « Guardiola ». Le rêve de la « dream team » se transforme vite en cauchemar pour celui qui, comme Don Quichotte, prenait les moulins à vent pour des géants. Le rêve barcelonais est parti en fumée et Hafedh Hemayed est devenu à Sousse quasiment persona non grata.
Actuellement, le Club de Bab Jedid semble vivre la même expérience ou presque. Slim Riahi, ayant été seul candidat, son investiture a fait plutôt figure de plébiscite. Mais là n’est pas l’essentiel. Adossé à une fortune colossale, le nouveau président envisage une refonte totale de l’équipe. L’entraîneur français Patrick Liewig en a fait les frais de façon peu policée, suppléé par Bernard Casoni qui prend ses précautions de ne rien pouvoir promettre. Mais le président est un homme pressé.
On le sait depuis sa campagne électorale pour l’ANC. Il veut tout et tout de suite. Mais la logique du football n’est pas celle de la politique. Qu’importe. Alors, il recrute à tour de bras, n’hésitant pas à enrôler des joueurs dont il ignore la valeur. Songeons à Baratli. Il ramène Khaled Souissi après un passage décevant en France, sort le grand paquet pour garder Bilel Ifa, pourtant sollicité par Toulouse. Et l’on se demande comment Adel Chedli (indésirable à l’ESS) lui a échappé ?
Il ne se passe pas un jour sans qu’on n’entende parler de transfert au CA : qui de Houcine Ragued (piste abandonnée ?), qui de Mikari (est-il disponible ?), qui de Rami Jeridi (engagé avec le CSS), qui de Farouk Ben Mustapha (qui vient de renouveler son contrat avec le CAB). Il se dégage de cette façon de procéder une sorte de désinvolture qui fait fi des principes et des règles gérant les rapports entre les clubs. Tout se passe comme si l’on concevait le football comme le monde sauvage de la finance où seul le pouvoir de l’argent est érigé en valeur. Face à cette déferlante, il faut résister et, s’il le faut, dénoncer certaines pratiques qu’on pourrait bien appeler « syndrome de l’usurpation » : tendance à détourner, par l’appât du gain, un joueur de sa destination initiale.
C’est ce syndrome qui a caractérisé le recrutement de l’attaquant algérien Djabou et de l’avant-centre tchadien Karl Marx. C’est également ce même syndrome qui a failli aboutir au « rapt » du jeune arrière aghlabide, Ali Abdi, il y a trois jours à l’aéroport, à son retour de Jordanie avec l’équipe nationale junior.
Ce n’est certainement pas ainsi qu’on peut bâtir un ensemble compétitif. Un tel ensemble ne saurait tirer sa force de la seule juxtaposition de joueurs de talent. Une feuille de route digne de ce nom, étudiée et planifiée, devrait être le seul aiguillon des responsables pour éviter que l’on navigue à vue.
Pour éviter le sort dans lequel se débat désespérément aujourd’hui le Stade Tunisien.