Les Beys ne quittaient pas la Capitale | I. L'exception de Lamine Bey

Les Beys ne quittaient pas la Capitale | I. L'exception de Lamine Bey
Tunis-Hebdo
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Les Beys ne rendaient jamais visite à leurs sujets à l’intérieur de la Régence. Ils séjournaient au Bardo, à la Marsa ou à Carthage en été, et à Hammam-Lif en hiver. Ils ne venaient à Tunis qu'à certaines grandes occasions. En faisant des recherches, j’ai découvert qu’à l’exception de Mohamed Naceur Bey, qui avait accepté l’invitation à déjeuner à El Djem en compagnie du Président de la République française, Armand Fallières, en visite en Tunisie en 1911, et Mohamed Lamine Bey, dont je parlerais plus longuement plus loin, aucun bey régnant, depuis l’établissement du protectorat, n’a dépassé les limites de la Banlieue de la Capitale lors de ses déplacements en Tunisie.
Le Bey à Bizerte
Revenons, à présent à Lamine Bey. Le 26 mars 1944, ce Bey et le général Mast, Résident général de France en Tunisie, se rendent à Bizerte, pour inaugurer la ville arabe reconstruite après la guerre qui s’est déroulée, dans notre pays, entre les Alliés et les troupes de l’Axe, et réoccupée par les habitants. Signalons que ce déplacement a été entouré de mystère. Pour des raisons de sécurité, le général Mast n’en a pas révélé la destination. Certains parlaient du Kef où les autorités locales faisaient ostensiblement de grands préparatifs. A Bizerte, jusqu’au dernier moment, la foule rassemblée croyait attendre une haute personnalité de la Marine. Au palais beylical, les femmes encore traumatisées par le départ dramatique de Moncef Bey, avaient peine à contenir leur émotion en voyant s’éloigner le cortège pour une destination tenue secrète. Finalement, tout s’est bien passé et le Bey a regagné, au retour, ses appartements privés sous les you-yous de joie et les acclamations. Mais le plus important, c’est que Lamine Bey va déroger par la suite, à la règle observée par ses prédécesseurs de ne pas se rendre à l’intérieur de la Régence, en visitant, d’abord, Kairouan, le 14 avril 1950, puis Sousse, le 30 du même mois.
Superstition
C’était la première fois qu’un Bey régnant, appartenant à la dynastie husseïnite, rendait visite à la ville sainte. En effet, comme le fondateur de la dynastie, Husseïn Ben Ali, avait été assassiné à Kairouan, par superstition, aucun bey n’aurait accepté de se rendre à la ville fondée par Okba Ibn Nafaâ. Seul, donc, Lamine Bey a eu le courage de défier le sort. Il reçut, d’ailleurs, à Kairouan, un accueil mémorable.
Le Bey à Sousse
Après Kairouan, Lamine Bey rendit visite à Sousse. Jamais, de mémoire d’homme, on ne vit, à Sousse, pareille affluence, à l’occasion de la visite de Lamine Bey. Comme je l’ai dit, le souverain effectuait son second déplacement officiel dans l’intérieur de la Tunisie et, après Kairouan, c’est la Perle du Sahel qui prouvait, au possesseur du Royaume de Tunis, son immense enthousiasme par une série de manifestations officielles et populaires. Jean Mons, Résident général de France à Tunis, accompagnait le Bey. Les ministres du gouvernement tunisien, les dignitaires de la Cour, le général Molle, commandant supérieur des troupes de Tunisie, les directeurs d’administrations et de nombreuses personnalités civiles et militaires, faisaient partie du cortège beylical. C’est par train spécial que le Bey, accompagné, également, de ses fils, a effectué le voyage d’Hammam-Lif à Sousse où il est arrivé à 9h30. À Sa descente du train, le souverain a été accueilli par les personnalités musulmanes et françaises dont Taïeb Sakka, le Caïd de Sousse, le contrôleur civil et le Comité de réception, au grand complet. Dans la cour de la gare, une automobile découverte attendait le Bey qui, vivement acclamé, a traversé une partie de la ville, pour se rendre au Collège des garçons (le Lycée actuel) où, jusqu’à midi, les notables de la ville, et du Sahel, sont venus lui présenter leurs hommages. Au cours de la réception, plusieurs discours ont été prononcés. De nombreux poèmes ont été, également, déclamés par Tahar Kassar, Chedly Neïfer et Hachemi Zinélabidine. En souvenir de la visite du souverain, un artiste tunisien avait tenu à offrir au Bey un rameau d’olivier en métal précieux.

Moncef CHARFEDDINE Tunis-Hebdo du 24/09/2018




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