Point d'Orgue | Hypocrite, sado-macho et voyeur !

Point d'Orgue | Hypocrite, sado-macho et voyeur !
Tunis-Hebdo
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Vous voulez faire un feuilleton pour Ramadan ? Rien de plus simple ! Sortez l’artillerie lourde en matière de violence et mettez votre œuvre sous le signe du «rouge et du noir». Rien à voir avec Stendhal, bien entendu ! Les ingrédients sont plus simples que cela : du sang, beaucoup de sang, et de la noirceur, beaucoup de noirceur : pauvreté, misère, familles disloquées, délinquance, banditisme, drogues, alcool, trafics de toutes sortes, dépravation morale… Avec une recette pareille, le succès est assuré d’avance. Il faut, bien sûr, mixer tout cela dans une «sauce-scénario» où il y a un coup de théâtre toutes les cinq minutes et un meurtre, un viol ou un braquage toutes les dix minutes. Edulcorez tout cela avec des histoires d’amour impossibles ou ingérables ! Mélangez le tout dans un mixage en images alerte, ajoutez-y une pincée de «belles gueules», au féminin comme au masculin, et l’audimat est assuré ! Ces feuilletons noirs, tachés de rouge, sont-ils le reflet de notre société, comme l’affirme une des actrices de Ramadan ! Sommes-nous ainsi devenus ? Est-ce notre réalité, depuis un certain 14 janvier, que l’on nous présente ainsi, avec l’exagération due à la nature de la fiction en général ? Si la réalité est telle, pourquoi alors faire semblant de s’indigner lorsqu’on vous la présente sous une forme plus ou moins caricaturale ! Le problème, peut-être, c’est que ce double concentré de réalité violente n’est pas dilué dans un fond social ou dans une suggestion de lecture sociologique ou historique. Non, tout est à l’état cru, brut, pour ne pas dire brutal : la trame du scénario, les scènes de violence, aussi bien que les sentiments, exacerbés à leur plus haut degré, sans aucune nuance. Face à cette agression continue et à cet excès à tous les niveaux, notamment celui de la violence, que fait le Tunisien ? Il aime ! Beaucoup, passionnément, à la folie ! Mais après avoir regardé, il fait semblant de s’indigner ! Hypocrite, va ! Le Tunisien serait-il donc un demandeur de violence audio-visuelle ? Il faut bien le croire. Et, probablement, c’est un sado-masochiste, doublé d’un voyeur qui chercherait à évacuer le poids de son stress et des agressions de toutes sortes qu’il subit dans sa vie quotidienne et à chasser son anxiété, par le spectacle, grossi et exagéré, du malheur des autres. Et plus c’est brutal et violent, plus on se sent bien devant son poste télé. D’autant que cela ne peut arriver qu’aux autres. Ouf ! Quel soulagement !

Adel LAHMAR Tunis-Hebdo du 10/06/2019




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