Tunisie : Pourquoi ça marche pour les banques ?

Tunisie : Pourquoi ça marche pour les banques ?
Tunis-Hebdo
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Au moment où la plupart des entreprises croulent sous les dettes et pâtissent fortement de la crise, les banques sont les seules, ou presque, à dégager des bénéfices.
Comment se fait-il que dans le contexte morose par lequel passe le pays, les banques réussissent non seulement à pérenniser leurs activités, mais, surtout, à réaliser une croissance soutenue de leur Produit Net bancaire (PNB) ? La réponse à cette question est symptomatique de la nature de l’activité bancaire et de la nature des revenus des banques. Avant de voir de plus près ces deux aspects, nous commençons par distinguer les différents types de banques.
Banques commerciales et banques d’affaires…
Généralement, on distingue quatre types de banques. 1-La banque commerciale, appelée aussi banque de détail. Elle est destinée aux particuliers, aux professionnels et aux petites et moyennes entreprises. 2-La banque d’affaires : son rôle est de financer les moyennes et grandes entreprises. 3-La banque d’investissement : elle est active sur les marchés financiers. Elle se charge des opérations financières comme les émissions de prêts, les souscriptions d’actions, l’introduction en Bourse, etc. 4-La banque centrale : c’est une institution de l’Etat qui assure l’émission de la monnaie fiduciaire et fixe les taux d’intérêt. Elle supervise, également, le fonctionnement des marchés financiers et joue, par ailleurs, le rôle de prêteur en dernier ressort. En plus de ces quatre principales catégories de banques, il existe, aussi, des établissements financiers qui sont spécifiques à chaque pays ou à chaque région. Ces dernières années, d’autres types de banque ont, par ailleurs, vu le jour. Elles sont nées de l’évolution des technologies de l’information et de la communication, comme la banque à distance et la banque en ligne. Ceci dit, à l’instar des autres secteurs économiques, les banques suivent l’évolution des besoins du marché et adaptent leur offre à la demande chaque fois qu’il y a changement au niveau du comportement du consommateur, autrement dit du client.
D’où proviennent les revenus des banques ?
Ils proviennent des services qu’elles proposent à leurs clients et l’argent qu’elles gagnent varie selon le type de l’établissement. Les banques commerciales ou banques de détail facturent, par exemple, des frais pour tout service proposé. Cela va des frais de la carte bancaire, des frais de virement jusqu’aux frais d’incidents bancaires. Ces derniers, très onéreux par ailleurs, sont appliqués chaque fois qu’un client dépasse son autorisation de découvert ou lorsqu’un prélèvement ou un chèque est rejeté. Dans l’état actuel d’appauvrissement, tous azimuts, dans lequel sombre le Tunisien, rares sont les titulaires de comptes qui ne sont pas trouvés, un jour ou l’autre, confrontés à de telles situations. Et cela pèse sur le pouvoir d’achat des consommateurs, surtout les plus pauvres. Les banques gagnent, aussi, des sommes mirobolantes grâce au loyer de l’argent. En effet, les banques rémunèrent les clients qui ont déposé de l’argent à un certain taux d’intérêt. Mais lorsqu’elles prêtent ce même argent, les banques font payer à leurs clients un taux d’intérêt supérieur à celui auquel elles ont rémunéré les dépôts. La différence entre ces deux taux d’intérêt représente la rémunération de la banque. Une rémunération qui dépasse souvent tout entendement. Jugez-en vous-mêmes : le taux d’intérêt débiteur des banques peut passer du TMM + 3% ou TMM + 5% pour le financement à court terme jusqu’au TMM + 7% pour le financement à moyen terme ou le découvert. Par contre, les taux créditeurs des banques ne dépassent pas le taux du marché monétaire (TMM – 2% ou TMM -1,5% pour les comptes à terme et les bons de caisse). La différence entre le taux débiteur et le taux créditeur dépasse parfois 9 points de pourcentage, et cette marge sur intérêt permet aux banques de faire de l’argent, beaucoup d’argent même. Quant aux banques d’investissement, le gros de leurs revenus proviennent du placement de l’argent sur les marchés financiers, en achetant des actions ou des obligations qu’elles revendent ensuite. Grâce à ces opérations ou aux dividendes qu’elles touchent, elles gagnent de l’argent. Quant aux revenus des banques d’affaires, ils sont constitués généralement de l’accompagnement qu’elles proposent aux grandes entreprises, comme les analyses comptables ou les conseils stratégiques et financiers. Et pour tous ces services, elles gagnent de l’argent en guise de rémunération.
Pourquoi nos banques gagnent-elles autant d’argent ?
Les banques gagnent certes de l’argent à la faveur de la hausse du taux du marché monétaire, mais il y a une source importante de revenus qui proviennent des portefeuilles des bons du Trésor et des gains de change. Tout le monde sait que l’Etat tunisien a levé, ces dernières années, des sommes importantes d’argent sur le marché financier national, à l’instar du crédit en devises souscrit, dernièrement, par 12 banques de la place. Cette opération génère une plus-value considérable aux banques surtout que ces dépôts ne sont pas rémunérés. La poursuite de la maitrise du risque de crédit est, par ailleurs, pour beaucoup dans l’amélioration des résultats financiers des banques. Que pouvons-nous dire en guise de conclusion ? La première chose est inhérente au lien de causalité entre la banque et son client. En effet, plus le client est dépourvu matériellement, plus la banque réalise des bénéfices, premièrement par le biais de la marge d’intérêt et surtout grâce aux frais d’incidents bancaires qu’elle applique aux clients se trouvant en difficulté. L’autre point névralgique se situe au niveau du système financier tunisien et sa mauvaise gouvernance : l’interférence du politique, la non transparence et la corruption ont fait en sorte que l’argent des banques finit dans les poches de ceux qui en ont le moins besoin, c’est-à-dire dans les poches des riches. Pauvre système.

Chahir CHAKROUN Tunis-Hebdo du 06/05/2019




Commentaires

Nos banques : à radin, radin et demi !

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