Tunisie : Janvier de tous les dangers !

Tunisie : Janvier de tous les dangers !
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Tunis Hebdo | Traditionnellement, dans notre pays, janvier est le mois des manifestations et des contestations. L’histoire contemporaine de la Tunisie est riche en événements dont certains sont demeurés indélébiles pour ceux qui les ont vécus ou subis. Le jeudi noir des événements du 26 janvier 1978, l’assaut lancé contre la ville de Gafsa deux années plus tard un certain 27 janvier, « la révolte du pain » quatre années plus tard, le 14 janvier 2011, tous ces événements forment des cas typiques. Les trois premiers ont fait vaciller le régime de Bourguiba sans pour autant le faire plier, alors que le dernier a emporté celui de Ben Ali. On peut affirmer aussi que le gouvernement Habib Essid, traité d’inefficace, a été poussé au remaniement une année auparavant, soit au mois de janvier dernier, et qui s’est avéré en réalité comme un prélude à son départ et à son remplacement par l’actuelle équipe de Youssef Chahed. Le mois de janvier de cette année ne semble pas vouloir déroger à cette règle. Malgré un froid sibérien qui s’est abattu sur notre pays provoquant l’apparition des premières neiges, le vent de la contestation parait s’allumer, mais non pas avec la même ferveur ou la même détermination qui avaient prévalu par le passé. On pourrait scinder ces mouvements en deux catégories : une émanant des populations des régions déshéritées et une autre de certains syndicats. Dans la première catégorie, on mettra les manifestations de mécontentement qui se sont produites essentiellement là d’où est partie l’étincelle du soulèvement de décembre 2010- janvier 2011, soit des gouvernorats de Kasserine et de Sidi Bouzid. Si l’on exclut ce « raid » contre un entrepôt de la municipalité de la Cité Ennour à Kasserine qui semble être une opération montée par des jeunes désœuvrés sur l’incitation d’un contrebandier notoire de la région, les causes du reste des manifestations ressemblent comme deux gouttes d’eau à celles vécues sous le régime de Ben Ali. Les citoyens se sont rassemblés à Meknassy, Jelma, Feriana, Majel Belabbes ou El Ayoun pour formuler les mêmes revendications : du travail, de la dignité, du développement, etc. Ces cortèges de citoyens mécontents devraient interpeller le gouvernement Chahed qui doit tenter de trouver des remèdes à une situation de paralysie touchant la mise en place du processus de développement dans ces régions. Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis le 14 janvier 2011 ont fait preuve d’une impuissance quasi-totale face aux exigences et aux défis que représente l’essor de ces contrées. Pourtant, les efforts auraient dû être immédiats dans des régions qui sont l’un des terrains privilégiés du terrorisme, l’un de ses foyers les plus dangereux. Il est donc essentiel de tout faire pour donner de réels motifs d’espoir aux citoyens de ces régions et les encadrer afin qu’ils continuent d’être insensibles aux sirènes des extrémistes. Ceci est d’autant plus urgent que le contexte actuel, marqué par les périls liés au retour des terroristes, devrait inciter les pouvoirs publics à des initiatives marquantes et palpables pour engager et concrétiser dans les plus brefs délais des projets de développement qui auraient un fort taux d’employabilité. Certes, les solutions dont disposent le gouvernement ne sont peut-être pas nombreuses mais, et en tant que responsable du destin de ce peuple, il n’a pas d’autres choix que de montrer de l’intérêt pour ces citoyens, aller à leur rencontre et essayer de trouver avec eux des remèdes concrets et durables. Autrement dit, le gouvernement doit avoir une approche pédagogique, pas dans les médias ou les plateaux de télévision seulement, mais sur le terrain. Le dénuement, la pauvreté et l’oisiveté continuent à être le « pain » quotidien d’une écrasante partie de la jeunesse qui espérait pourtant profiter du vent du changement. Mais ils n’ont obtenu que des miettes, des solutions sous forme d’aides ponctuelles qui n’éclairent guère l’horizon, mais qui agissent comme des calmants, ou rien du tout ! Ces mouvements constituent donc un véritable désaveu à ceux qui ont gouverné depuis 2011. Ceux-ci se sont avérés incapables d’opérer d’autres choix plus audacieux et d’autres orientations plus sociales, en ne faisant que reproduire le même système. La deuxième catégorie de contestation se rapporte à quelques corps de métier qui poursuivent une œuvre de harcèlement du gouvernement, comme celle des syndicats de l’enseignement, celui du secondaire notamment. Ils ont organisé des sit-in, et en feront d’autres dans les prochains jours, et ont observé des grèves régionales puis nationales, tout cela au grand désespoir des parents. En ce qui concerne ce dossier, il est clair que les syndicats ont peut-être des revendications légitimes qui touchent à leurs droits ou à leurs statuts, et sur ce plan, ils devraient parvenir à un compromis satisfaisant pour les deux parties si jamais les ponts des négociations ne sont pas encore définitivement rompus. Cependant, les syndicalistes semblent faire fausse route pour deux raisons. D’abord, lorsqu’ils exigent le départ du ministre. Dans un système politique qui se respecte et qui obéit à des règles de jeu démocratique, le destin d’un ministre ou d’un quelconque responsable au sein de l’Etat ne dépend pas de l’humeur de ses administrés ou des employés sous son autorité, mais de la qualité de ses prestations dont l’évaluation est dévolue à celui qui l’a désigné à ce poste, et qui demeure libre de décider de son avenir. Ensuite, il me semble qu’ils sont en train de se mettre au ban de la société et de susciter une forte hostilité au sein de l’opinion publique. Nous voudrions seulement rappeler que l’une des raisons de la faillite du syndicalisme dans les pays industrialisés a été, à un certain moment, leurs options ou leurs comportements extrémistes qui leur ont valu la perte de leur popularité et de leur crédit. Les meilleurs résultats ne sont pas toujours au bout d’une action «jusqu’au-boutiste » mais parfois au bout d’un arrangement digne pour tous…

L.L.




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