La 76ème édition du Festival de Cannes débutera dans une semaine, et se déroulera du 16 au 27 mai 2023. Cette édition est exceptionnelle pour le cinéma tunisien, qui présentera pour la première fois depuis 1970 et seulement la troisième fois dans son histoire, un film en compétition officielle longs-métrages.
Ce film très attendu, intitulé Les filles d’Olfa, a été réalisé par la talentueuse Kaouther Ben Hania. Cette réalisatrice avait déjà valu à la Tunisie sa première et unique nomination à l’Oscar du Meilleur film International avec L’homme qui a vendu sa peau en 2021. Cela montre à quel point Kaouther Ben Hania est une réalisatrice accomplie, faisant briller le cinéma tunisien à travers le monde.
À cette occasion, j’ai décidé de dresser une liste exhaustive de tous les films tunisiens qui ont été sélectionnés au festival de Cannes, toutes sections confondues. Pour cela, j’ai effectué des recherches minutieuses sur les sites officiels du Festival de Cannes, de la Quinzaine des Réalisateurs, de la Semaine de la Critique et d’ACID. J’ai ainsi passé en revue toutes les listes de sélection, de 1955 à 2023, pour m’assurer de ne pas en oublier un seul. Si toutefois j’en ai manqué un, n’hésitez pas à me le signaler.
Le cinéma tunisien a été présent à Cannes depuis 1955, donc avant l’indépendance du pays, avec la sélection de deux courts métrages réalisés par des Français mais présentés sous la bannière Tunisie. Cependant, ce n’est qu’en 1958 qu’un film coproduit avec la Tunisie a été sélectionné pour la première fois.
Au total, cette liste comprend 31 longs et 7 courts métrages, réalisés par 21 réalisateurs (3 français, un espagnol, un américain et 16 tunisiens) et 8 réalisatrices (une égyptienne et 7 tunisiennes).
Les réalisateurs ayant eu plus d’un film sélectionné sont:
Abdellatif Ben Ammar : 2
Ridha Behi : 2
Férid Boughedir : 3
Nouri Bouzid : 4
Moufida Tlatli : 2
Kaouther Ben Hania : 3
Les films tunisiens sélectionnés au Festival de Cannes :
1955
En compétition officielle Courts métrages Trois coquillages de Tunisie, réalisé par Roger Mauge. Il m’a été impossible de trouver par qui a été produit ce film.
1957
En compétition officielle Courts métrages, le film documentaire Vacances tunisiennes, réalisé par René Vautier et produit par la Ste. Tunisienne El Ahad El Jedid.
1958
En compétition officielles Longs Métrages, le film Goha, premier film tunisien d’après l’indépendance, coproduit par la France et la Tunisie, mais offert par son réalisateur Jacques Baratier à la Tunisie.
Goha a remporté le PRIX LE PREMIER REGARD – UN CERTAIN REGARD.
Goha, tourné entièrement en Tunisie, a notamment révélé l’acteur Omar Sharif.
Ce même film, restauré, a été présenté à Cannes en 2013 dans la sélection Cannes Classics.
1970
En compétition officielles Longs Métrages, le film Une si simple histoire d’Abdellatif Ben Ammar.
1971
En ouverture de la Semaine de la Critique, le film franco-tunisien Viva la muerte de Fernando Arrabal. Celui-ci étant interdit de séjour dans l’Espagne franquiste, les prises de vue extérieures se font en 1970 en Tunisie, à Hergla, à Bizerte et au cimetière de Menzel Bourguiba. Le réalisateur choisit un jeune Tunisien comme acteur principal, Mehdi Chaouch, prend Férid Boughedir comme premier assistant et Hassen Daldoul comme producteur.
Interdit de sortie en Espagne, en Tunisie et en France, Viva la muerte est cependant autorisé à être projeté dans son intégralité au Festival de Cannes le 16 mai 1971, et ne reçoit son visa d’exploitation que le 22 juin 1981 en France que grâce au ministre de la Culture Jack Lang, assorti d’une interdiction aux moins de douze ans.
Une copie restaurée de ce long-métrage sera présentée à nouveau à Cannes en avant-première, en 2022, dans la section Cannes Classics, en présence du réalisateur et du cinéaste Mohamed Challouf.
1977
En compétition à la Quinzaine des réalisateurs, le long métrage Soleil des Hyènes, réalisé par Ridha Béhi.
1980
En compétition à la Quinzaine des réalisateurs, le film Aziza de Abdellatif Ben Ammar.
1982
En compétition à la Semaine de la critique, le film L’ombre de la terre de Taieb Louhichi.
1983
En compétition dans la section Un Certain Regard, le long métrage documentaire Caméra d’Afrique de Férid Boughedir.
En 2019, ce même film sera sélectionné à nouveau dans la section Cannes Classics et sera projeté en présence du réalisateur.
1985
En compétition à la Quinzaine des réalisateurs, le film Les Anges de Ridha Béhi.
1986
En compétition dans la section Un certain regard, le film L’homme de Cendres de Nouri Bouzid.
1987
En sélection officielle, hors compétition, le long métrage documentaire tunisien Caméra Arabe de Férid Boughedir.
1989
Deux longs métrages tunisiens sont sélectionnés simultanément au Festival de Cannes:
– En compétition à La Semaine de la Critique, Arab de Fadhel Jaibi et Fadhel Jaziri.
– En compétition dans la section Un Certain Regard, Les Sabots en or de Nouri Bouzid.
1990
En compétition à la Quinzaine des Réalisateurs, Halfaouine, l’enfant des terrasses de Férid Boughedir.
1991
En compétition à la Quinzaine des Réalisateurs, Chichkhan de Mahmoud Ben Mahmoud et Fadhel Jaïbi.
1992
En compétition à la Quinzaine des Réalisateurs, Bezness, 3ème long-métrage de Nouri Bouzid.
1994
En compétition à la Quinzaine des Réalisateurs, Les Silences du palais de Moufida Tlatli, qui y remporte une Mention du Jury de la Caméra d’Or.
1998
Dans la section ACID, le film Tunisiennes/Bent familia de Nouri Bouzid.
2000
En compétition dans la section Un certain Regard, La saison des hommes de Moufida Tlatli est l’unique film africain et arabe figurant dans la sélection officielle de cette section cette année-là.
2001
En compétition à la Quinzaine des Réalisateurs, Fatma de Khaled Gorbal.
2011
Dans la sélection Séances spéciales, Plus jamais peur de Mourad Ben Cheikh.
2013
Dans la section Cannes Classics, Goha réalisé par Jacques Baratier, est restauré et projeté devant plusieurs professionnels du cinéma tunisien, et de Claudia Cardinale, qui avait joué son premier rôle dans ce film.
2014
Dans la section ACID, le film Le Challat de Tunis de Kaouther Ben Hania.
2016
En compétition officielle Courts métrages, La Laine sur le Dos de Lofti Achour.
2017
En compétition dans la section Un certain Regard, le film La belle et la meute, réalisé par Kaouther Ben Hania, a remporté le Prix de la meilleure création sonore. Musique d’Amin Bouhafa.
2018
– Tunisia Factory en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs, Quatre courts métrages de 15 minutes, chacun écrits et réalisés à deux mains par un couple de jeunes cinéastes dont l’un est tunisien et l’autre d’un autre pays :
Omerta, de Mariam Al Ferjani (Tunisie) et Mehdi Hammane (France)
Leyla’s Blues, d’Ismaël (Tunisie) et Fateme Ahmadi (Iran)
L’Oiseau bleu, de Rafik Omrani (Tunisie) et Suba Sivakumaran (Sri Lanka)
Best Day Ever, d’Anissa Daoud (Tunisie) et Aboozar Amini (Afghanistan)
– En compétition à la Quinzaine des Réalisateurs, le film Weldi, réalisé par Mohamed Ben Attia.
2019
– En compétition à la Quinzaine des Réalisateurs, Tlamess, réalisé par Ala Eddine Slim.
– Dans la section Cannes Classics, le film documentaire Camera d’Afrique (20 years of African cinema) (1983), est projeté en présence de son réalisateur Férid Boughedir dans sa nouvelle version restaurée.
2020
Le film Souad réalisé par Ayten Amine, et coproduit par l’Égypte et la Tunisie, avait fait partie de la sélection 2020 du festival de Cannes, dont l’édition avait été annulée à cause de la pandémie de la Covid.
2021
En clôture de la semaine de la critique, Une histoire d’amour et de désir le deuxième long métrage de Leyla Bouzid.
2022
Quatre films tunisiens, dans quatre sections différentes :
– En compétition dans la section Un Certain Regard, Harka, réalisé par Lotfy Nathan. Le jeune acteur Adam Bessa remporte le Prix de Meilleure Performance pour son rôle Ali.
– En compétition à la Quinzaine des Réalisateurs, Under the fig trees/Sous les figues d’Érige Sehiri a remporté le prix du jury Ecoprod pour sa prise en compte des défis environnementaux dans sa production.
– En compétition à la Quinzaine des Réalisateurs, Ashkal de Youssef Chebbi.
– Dans la section Cannes Classics, Viva la muerte de Fernando Arrabal.
2023
Deux films tunisiens seront présents au Festival de Cannes :
– En compétition officielle, Les filles d’Olfa, réalisé par Kaouther Ben Hania.
– Dans la section ACID, le film documentaire Machtat de Sonia Ben Slama.
Remarques:
Le film La Vie d’Adèle : Chapitres 1 et 2 de Abdellatif Kechiche, Palme d’Or 2013, est un film coproduit par la France, la Belgique et l’Espagne, mais le réalisateur a la double nationalité franco-Tunisienne. Abdellatif Kechiche était de retour à Cannes, en compétition officielle en 2019, avec son film Mektoub, My Love : Intermezzo. Encore une fois, le film est français.
D’autres films français, réalisés par des réalisateurs franco-tunisiens, ont été sélectionnés à Cannes, on peut citer par exemple Chouf de Karim Dridi qui a été programmé en séances spéciales à Cannes 2016, Tu mérites un amour de Hafsia Herzi qui a été sélectionné à la Semaine de la critique en 2019 et Bonne Mère de Hafsia Herzi également, sélectionné dans la section Un certain regard en 2021.
Parfois la presse tunisienne qualifie ces films de « tunisiens », mais ils ne le sont pas.
Quelques dates ou évènements clés :
1991 : Férid Boughdir est membre du jury de la compétition officielles longs métrages.
2001: Moufida Tlatli est membre du jury de la compétition officielle longs-métrages.
2007 : Inauguration du Pavillon Tunisien au Village International, deux ans avant l’Égypte. Interruption en 2020 et 2021pour cause de Covid.
2009 : Férid Boughdir est membre du Jury Cinéfondation et Courts métrages.
2011 (12 mai 2011) : Le réalisateur Nouri Bouzid, s’est vu remettre à la plage des Palmes, par le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur pour sa carrière et sa liberté constamment cultivée. Nouri Bouzid s’était dit très ému et s’était adressé aux jeunes cinéastes tunisiens.
2013 et 2014 : Nadia Khiari, plus connue sous le nom de Willis From Tunis, a fait partie des 12 participants au projet Caricaturistes. En 2013, elle faisait partie de l’exposition Cartooning for Peace organisée sous l’égide du festival de Cannes dans le Palais des Festivals, et en 2014, elle a figuré dans le film documentaire Caricaturistes, Fantassins de la démocratie, projeté en Séance spéciale en Hors compétition.
2015 : En marge du Festival de Cannes, la ministre française de la Culture et de la Communication, Mme Fleur Pellerin, a remis à la cinéaste tunisienne, Dorra Bouchoucha, les insignes de Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres. La cérémonie a eu lieu au Café des Palmes situé au niveau 4 du Palais des Festivals.
2016 : Leyla Bouzid a été la première réalisatrice à recevoir le Prix Jeunes Talents de Women In Motion pour son premier film A peine j’ouvre les yeux, en marge du Festival de Cannes. Women in motion est un programme lancé en 2015 destiné à susciter le débat et nourrir la réflexion sur la place des femmes dans l’industrie du cinéma que cela soit devant ou derrière la caméra.
2017 : Les tunisiens Claudia Cardinale et Férid Boughdir, parmi les 113 invités au 70ème anniversaire du Festival de Cannes.
2017 : A la cérémonie des Prix des Critiques Arabes (The Arab Critics Awards), organisée par le Centre du Cinéma Arabe en marge du festival de Cannes, le Prix du Meilleur acteur est décerné à Majd Mastoura pour le film Hedi réalisé par Mohamed Ben Attia.
2019 : Le même prix du Meilleur acteur est décerné à Mohamed Dhrif pour son rôle dans Weldi, mon cher enfant réalisé par Mohamed Ben Attia.
2021 : La réalisatrice et scénariste tunisienne Kaouther Ben Hania est membre du jury des courts métrages et du concours des films d’écoles de la Cinéfondation.
2021 : Le Prix des Critiques (The critics awards) du Meilleur scénario est décerné au film L’homme qui a vendu sa peau de Kaouther Ben Hania.
2022 : Kaouther Ben Hania, Présidente du Jury de la semaine de la Critique.
2023 : Dorra Bouchoucha est la marraine de l’édition 2023 de La Fabrique Cinéma à Cannes. Elle accompagnera 10 réalisatrices et réalisateurs dans le développement de leur premier ou second long métrage. Parmi la sélection de la Fabrique en 2023, un projet de film tunisien, Le Procès de Leïla de Charlie Nawel Kouka.
J’espère que dans quelques jours, je pourrais ajouter à cet article une autre date clef : 2023, Première Palme d’Or pour un film tunisien !
Neïla Driss
