Adoptée le 23 mai par l’Assemblée des représentants du peuple, la réforme du Code du travail tunisien continue de susciter de vives réactions. Présentée par le gouvernement comme un tournant historique en faveur de la dignité des travailleurs, elle pourrait, selon plusieurs spécialistes, déstabiliser en profondeur le tissu économique du pays.
Dans une analyse publiée le 2 juin sur le site Juridoc.tn, l’expert-comptable Wassim Turki examine les implications de la loi 2025-09, promulguée au Journal officiel du 23 mai 2025. Ce nouveau texte redessine en profondeur le droit du travail en Tunisie.
La réforme érige désormais le contrat à durée indéterminée (CDI) comme norme. Les contrats à durée déterminée (CDD) deviennent exceptionnels et strictement encadrés. Leur recours ne sera plus possible que dans trois cas précis : surcroît de travail, remplacement temporaire, ou activité saisonnière. L’absence de respect de ces conditions entraîne la requalification automatique du contrat en CDI.
Le CDI, quant à lui, est désormais soumis à une période d’essai de six mois, renouvelable une seule fois. Sa forme écrite devient impérative. En l’absence d’écrit, le contrat est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Autre volet fondamental : l’interdiction explicite de la sous-traitance de main-d’œuvre, avec des sanctions pénales à la clé. Les entreprises de nettoyage et de gardiennage sont concernées. Une amende de 10 000 dinars est prévue pour les personnes physiques, doublée pour les personnes morales. En cas de récidive, des peines de prison sont applicables.
Wassim Turki insiste sur les obligations nouvelles qui pèsent désormais sur les entreprises prestataires et bénéficiaires. Ces dernières devront garantir les droits des travailleurs intervenant dans leurs locaux, comme s’ils étaient leurs propres salariés, et pourraient être tenues solidairement responsables en cas de manquement.
Enfin, l’expert attire l’attention sur les mesures transitoires. Certains CDD seront automatiquement convertis en CDI, même s’ils ont été rompus avant l’entrée en vigueur de la loi. Une indemnité de deux mois de salaire par année d’ancienneté est prévue en cas de litige, à condition d’agir dans un délai d’un an.