Le changement du 14 janvier 2011, indépendamment des diverses manipulations et des manœuvres intérieures et extérieures qui ont précipité la chute du parrain des familles qui ont pillé le pays, avait soulevé les espoirs les plus fous chez une population enthousiaste et pleine d’ambition pour un futur meilleur.
Les slogans des milliers de Tunisiens, jeunes et moins jeunes, étaient divergents selon les vœux de chacun d’eux ; les uns appelant à une démocratisation du régime et qui rêvaient de vivre un pays où le choix des gouvernants deviendrait le leur, et les autres appelant à l’instauration de la dignité citoyenne à travers le travail.
Or six années plus tard, les uns et les autres sont obligés de déchanter. Leurs vœux n’ont pas été exaucés et leurs espoirs sont partis en fumée ou presque ! Car le pays a sombré dans une anarchie où le combat idéologique a été dominant entre deux tendances diamétralement opposées, les Islamistes d’un côté, les Modernistes de l’autre.
Les premiers ont opté pour la déstructuration de l’appareil d’Etat en créant des institutions parallèles contrôlées par eux et destinées à mettre la main sur la société. En même temps, ils ont encouragé « l’islamisation » des mœurs par la crainte voire la peur et ont essayé de noyauter toutes les institutions existantes (police, armée, magistrature, administration centrale et régionale, etc) de façon à imposer leur emprise sur le pays.
Les seconds ont agi par réaction en se constituant de manière anarchique avec pour seul objectif : s’opposer au projet islamiste mais sans que cela ne se transforme en véritable projet de gouvernement, clair et sans ambiguïté, et surtout sans introduire un véritable changement d’orientations économiques ou sociales.
Or, ces deux grandes tendances dont l’entente semblait quasi-impossible, du moins pour ceux qui s’en tiennent aux analyses superficielles dénuées de leur dimension idéologique, se sont finalement entendues pour gouverner ensemble le pays.
Modernistes, ou présumés comme tels, et Islamistes, toujours fidèles à leur réelle volonté d’instaurer un régime islamiste malgré leur discours destiné au public, ont pris les rênes du pouvoir et se sont accordé sur la gestion du pays depuis les dernières élections d’octobre 2015.
Aujourd’hui et après deux années, on peut constater un échec total dans la gestion du pays. Que ce soit avec Habib Essid ou aujourd’hui avec Youssef Chahed, les problèmes se suivent et se ressemblent, et aucune solution ne semble pointer à l’horizon.
Le pays continue à souffrir des mêmes maux et paraît glisser de plus en plus vers les abîmes qui va de l’anarchie économique et sociale totale, à l’insécurité ou à la banqueroute. Le pire dans tout cela, c’est que l’équipe gouvernementale actuelle parait complètement impuissante, dénuée d’ingéniosité et d’audace, que ses convictions ne permettent d’ailleurs pas.
Aujourd’hui, ceux qui ont rêvé de vivre dans un pays prospère et démocratique, ont quasiment perdu leurs illusions. Pire même, ils sont inquiets quant à l’avenir sombre qui se dessine. Le dénuement des classes pauvres, la paupérisation rampante qui frappe de plein fouet les classes moyennes, les craintes réelles du retour des jihadistes qui mettent la sécurité des citoyens et du pays en grand danger, les risques de faillite économique de l’Etat tranchent avec ceux qui ont tiré bénéfice de ce changement, qui se pavanent aujourd’hui en 4×4 et possèdent des containers remplis de dinars ou de dollars, et bénéficiant du parapluie et de la complicité de leurs protecteurs politiques…
L.L.