Malgré l’annonce faite par le ministre du Tourisme par intérim, Habib Ammar, quant à une reprise des vols touristiques réguliers à partir du 19 avril, les professionnels du tourisme étaient sceptiques. Ils pensent que les dés sont jetés pour cette saison et s’il y a à espérer une reprise, ça sera pour 2022. Rafik Meghirbi, General Manager de VoyageKom nous donne son point de vue sur la question. Pour lui, la saison actuelle sera pire que la précédente !
L’Etat a-t-il failli à ses obligations envers les gens du secteur durant cette crise sanitaire ?
Et comment : aucune mesure d’accompagnement à part les 200 dinars accordés aux employés avec, par-dessus tout, un formulaire contraignant à remplir chaque mois par l’employeur. Cela requiert de sa part beaucoup de courage et de volonté surtout que la plateforme conçue pour la circonstance a été interrompue plusieurs fois.
« J’aurais souhaité qu’on soit exonéré
des charges sociales et patronales »
J’aurais souhaité qu’on soit exonéré des charges sociales et patronales pour 2020 et 2021 ou même 2022 et qu’on nous fasse un plan de remboursement de ces charges à partir de 2023 sur une année ou deux. Mais rien de cela n’a été réalisé, on a continué à payer les charges comme si de rien n’était.
La Covid-19 a mis à nu la fébrilité du secteur. D’après vous, quelles sont nos défaillances et les aspects qu’il faut améliorer ?
Deux aspects importants à améliorer : le para-hôtelier, c’est-à-dire toute l’infrastructure et les installations qui sont en dehors des hôtels, celles-ci doivent être dignes d’une zone touristique. Nous sommes, malheureusement, dans ce registre, très loin des grandes stations balnéaires concurrentes comme Antalya, Sharm el Sheikh sans parler des côtes grecques et espagnoles.
Ceci nous amène à parler de tourisme et développement durable. Le tourisme de masse, entendez classique, a montré, en effet, ses limites. C’est un créneau très fragile, par conséquent il est urgent de changer de fusil d’épaule.
« Nous sommes très loin
des grandes stations balnéaires concurrentes
tels Antalya et Sharm el Sheikh »
Le deuxième aspect sur lequel il faut travailler est relatif à la desserte aérienne. C’est toujours le même problème avec peu d’appareils en exploitation sur Nouvel air et Tunisair. S’il n’y aura pas un retour à la normale d’ici peu, on va se trouver en face d’un manque de vol sur la destination, surtout avec le retour des Tunisiens résidents à l’étranger.
Dans ce cas, on retombera dans nos travers avec des tarifs aériens trop chers. Un billet Paris-Tunis coûtera plus cher que Paris-Saint-Louis (Sénégal) en charter.
Beaucoup de professionnels du tourisme ont décidé de changer d’activité durant cette crise sanitaire. Cela pourrait-il affecter la reprise si elle se produit ?
Bien sûr que oui. Le secteur a besoin des gens du métier sinon on aura toujours des hôtels avec un service médiocre en deçà du niveau des destinations concurrentes.
Beaucoup d’hôteliers ont, en effet, diversifié leurs activités depuis longtemps, l’hôtel était la locomotive qui a permis à plusieurs hommes d’affaires d’investir dans l’industrie, l’agroalimentaire, le médical et j’en passe. L’expérience a démontré la vulnérabilité de ce secteur qui est demeuré le plus fragile et le plus touché, mais aussi celui qui reprend rapidement.
« Beaucoup d’hôteliers ont repoussé
l’ouverture pour la saison 2022 ! »
Les années 20 et 21 sont une bonne opportunité pour ceux qui veulent rénover et améliorer leur produit, car aucune autre occasion ne sera aussi propice pour faire des travaux avec un manque à gagner aussi bas. En 2022 ou 2023, ça ne sera pas possible de procéder à des travaux ou des rénovations car cette entreprise fera perdre aux hôteliers des clients et, impactera fortement leur chiffre d’affaires.
Y a-t-il lieu d’espérer un retour du tourisme dès la saison actuelle ?
Pour la saison actuelle, c’est déjà cuit. On ne peut pas espérer grand-chose. Beaucoup d’hôtels sont fermés depuis une année. A cela s’ajoutent les dettes accumulées et les soucis financiers générés par la faillite de Thomas Cook en 2019. Les chocs se suivent et ne font qu’enfoncer davantage le clou.
Y a-t-il un risque que la saison actuelle soit similaire à la précédente ?
Cette saison sera pire que la précédente, à moins d’un miracle ! A ce que je sais, beaucoup d’hôteliers ont repoussé l’ouverture pour la saison 2022 et ont déjà jeté l’éponge pour 2021.
« La situation épidémiologique en Tunisie
n’est pas rassurante pour que les voyagistes
reprennent confiance en notre destination »
La situation épidémiologique en Tunisie n’est pas rassurante pour que les voyagistes reprennent confiance en notre destination. Il ne faut pas oublier que le taux de vaccination de la population est faible par rapport à d’autres pays.
Toujours est-il qu’on est confiant quant à notre faculté de nous ressaisir. Je suis sûr qu’une fois la situation maîtrisée, on aura une énorme reprise.
D’après mes contacts avec les voyagistes, la Tunisie reste toujours une des destinations les plus demandées et incontournable pour les touristes à la recherche de sensations fortes.
Je peux vous garantir que pas mal de voyagistes n’attendent que la disparition de cette épidémie ou, au moins, sa maîtrise pour qu’ils reprennent leurs activités en Tunisie.
Interview conduite pas Chahir CHAKROUN
Tunis-Hebdo du 19/04/021