Il suffit parfois d’une tournée dans le Sud pour mesurer les lignes de force d’un partenariat. Ces derniers jours, l’ambassadeur du Royaume-Uni en Tunisie, Roddy Drummond, a parcouru Tozeur, Tataouine, Douz et Chenini. De cette immersion, il rapporte, sur les ondes de Diwan FM, un récit fait d’énergie solaire, d’innovation numérique et de traditions menacées. Un croisement rare entre futurisme technologique et mémoire ancestrale.
Un méga-projet solaire
Dans le désert de Tozeur, le diplomate évoque un chantier appelé à transformer l’échelle des ambitions tuniso-britanniques : le projet “SoleCrypt”, dont le site T60 constitue la première étape de développement.
Les équipes viennent d’y franchir deux jalons clés — sécurisation intégrale du périmètre et installation du camp de base — ouvrant la voie aux premières opérations techniques. La mise en service du premier volet est attendue pour 2027.
L’objectif est d’installer, à travers ce premier module solaire de 60 MW, l’infrastructure énergétique initiale du futur écosystème SoleCrypt, qui intègre également des composantes numériques à haute efficacité énergétique. Ce développement s’inscrit dans une architecture plus large, reliée à terme au câble sous-marin Medusa, destiné à renforcer la connectivité entre la Tunisie, l’Europe et l’Afrique.
M. Drummond insiste sur le fait que cette première phase n’est qu’un socle : le projet est conçu pour s’étendre par modules successifs, jusqu’à atteindre une échelle industrielle de plusieurs centaines de mégawatts. Une montée en puissance qui repositionnerait durablement la Tunisie dans le paysage énergétique et numérique régional.
Tataouine : la jeunesse comme moteur silencieux
Plus à l’est, à Tataouine, le diplomate observe une autre Tunisie. Celle de jeunes développeurs, incubateurs et micro-entreprises numériques qui, malgré l’absence d’écosystèmes lourds, inventent des solutions locales.
“Très encouragé”, dit-il.
Le Royaume-Uni soutient des centres de compétences digitales et mise, à long terme, sur une génération flexible et entraînée à naviguer dans un monde remodelé par l’intelligence artificielle.
Chenini et Douz : au cœur de la mémoire et des femmes
À Chenini, l’ambassadeur change totalement de registre. Dans ce village suspendu au-dessus du désert, il découvre un projet de documentation patrimoniale porté par le British Council, l’Université de Durham et l’INP tunisien. Drones, modélisations 3D, relevés climatiques : la haute technologie au service d’un patrimoine vulnérable.
Mais ce sont les femmes qui retiennent surtout son attention.
“Gardiennes de la mémoire locale”, dit-il, fascinées par la transmission du tissage, des teintures naturelles, des récits et des gestes qui font l’identité de la région. Le diplomate insiste : soutenir ces femmes, c’est préserver un pan du patrimoine tunisien qui s’effiloche.
Le numérique comme espace à protéger
Dans un autre registre, plus contemporain, Londres travaille avec ONU Femmes et les Scouts tunisiens pour lutter contre la violence en ligne visant les femmes. Sensibiliser, protéger, encourager les victimes à “speak up” : l’ambassade place le cyberharcèlement au rang des priorités.
“Aychek”, Kaak Warka et un pays résumé en un mot
Dans cet entretien, Roddy Drummond se livre aussi un peu. Il confie son goût pour le Kaak Warka, pour le couscous au calamar farci de Sfax, pour le dialecte tunisien où son mot préféré est “Aychek”, qu’il trouve plus doux et plus chaleureux que “Choukran”.
Quant à la Tunisie, il la résume en un mot : “Diversité.” Diversité des paysages, des cuisines, des cultures, des horizons. Une manière diplomatique, mais sincère, d’expliquer pourquoi il sillonne autant le pays.
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