Les nuages s’assombrissent au-dessus du parti Ennahdha et de ses alliés. Au point où la contestation a fini par s’apparenter aux protestations contre le RCD en 2011.
Le parti islamiste est en effet pris en tenailles, rattrapé par la réalité, mordu à pleines dents par la protestation populaire contre une loi de finances jugée excessivement dure.
Désavouée par l’UTICA et l’UGTT, cette loi budgétaire vient d’être critiquée par Ennahdha qui demande au gouvernement de la revoir. Attitude pittoresque lorsqu’on sait que c’est Ennahdha qui a voté cette loi sans autre forme de procès et sans se soucier des avertissements venus de toutes parts.
Désormais, la situation est tendue pour le mouvement islamiste et ses alliés. Dans plusieurs régions, la population s’est attaquée aux sièges d’Ennahdha, considérés comme un symbole de l’impasse actuelle.
De plus, routes coupées et recettes de finances bloquées ajoutent à cette haute tension subie par le pouvoir en place. Ennahdha est ainsi frontalement contesté par le peuple, près de 500 jours après sa prise de pouvoir.
Plus grave pour le parti islamiste, le consensus au sein du mouvement est en train de se rompre. Ghannouchi est en effet ouvertement contesté pour certains choix aussi bien par les faucons qui lui reprochent sa modération relative que par les colombes qui constatent les dégâts.
Ce qui ne vient pas non plus arranger les affaires d’Ennahdha, c’est le brusque retour à la une du grave dossier Rafik Abdesslem Bouchlaka, inculpé pour détournement de fonds. Le beau-fils de Ghannouchi, bombardé ministre des Affaires étrangères risque de mettre en cause son propre beau-père.
Sur un autre plan, la diligence du Quartette pour la mise en œuvre de la feuille de route du dialogue national est une pression de plus sur Ennahdha qui s’essouffle à vue d’œil et s’apprête à un recul tactique au profit du gouvernement Jomaa.
Comment les islamistes au pouvoir vont-ils se sortir de cette mauvaise passe ? Tous les coups seront sans doute permis y compris un passage de Rached Ghannouchi au second plan. Mais au profit de qui ? Des radicaux du Majless Al Choura qui pensent qu’il est temps de passer en force pour la république islamique qu’ils appellent de leurs vœux quitte à s’allier avec Hezb Ettahrir et Ansar Echaria ? Ou bien des relativement consensuels Hamadi Jebali et Abdelfattah Mourou qui pensent en conservateurs républicains ?
Des périls nombreux guettent Ennahdha dont l’unité de façade pourrait ne pas survivre à cette crise.