Contacté par Webdo pour nous donner la position du Front populaire quant à la désignation d’Ali Laarayedh et ses chances de succès, le dirigeant frontiste, le Pr Othman El Haj Amor nous a fait cette déclaration : «Tout d’abord la désignation d’Ali Laarayedh s’apparente à une tentative de passage en force du parti Ennahdha. Ce dernier, pourtant au fait du rejet du bilan d’Ali Laarayedh par une large partie de l’opinion publique et de l’opposition, rendant peu consensuelle cette nomination, entend forcer la main de tout le monde et d’imposer envers et contre tous son candidat. «Cette façon de faire condamne d’avance l’action de monsieur, car, en plus du bilan bien faible de l’ex-ministre de l’Intérieur, cette désignation va à l’encontre de l’aspiration de la communauté nationale à une gouvernance dans le consensus et surtout rattachée à un calendrier politique et des objectifs bien déterminés».
Par ailleurs, M. Bel Haj Amor ajoute que «le Front Populaire n’a nullement comme souci premier de participer à un gouvernement, sa croyance étant que le pays a besoin plus que jamais d’un cap politique clair et des priorités à traiter en toute urgence. Ainsi, le Front Populaire réitère sa demande de s’occuper sans tarder des dossiers présentant un caractère prioritaire ; la mise en lumière des coupables et des commanditaires de l’assassinat du martyr Chokri Belaid, la dissolution des ligues de protection de la révolution et l’application stricte de la loi républicaine contre les entités pratiquant la violence, l’accélération de la rédaction de la nouvelle Constitution et la détermination d’un délai précis clôturant les travaux de l’ANC, l’adoption de mesures d’urgence pour mettre fin à l’escalade des prix et renforcer le pouvoir d’achat des citoyens, prioritairement les catégories les plus fragiles, l’instauration d’un cadre de transparence sur la gestion des deniers publics principalement les actes de cession aux privés des entreprises publiques et enfin la remise en cause de quelques alliances militaires non conformes aux intérêts de la nation».
Quant aux chances de réussite de M. Ali Laarayedh, le Front Populaire considère que la nomination de ce dernier est «une prime à l’échec». En effet, «de la répression particulièrement sauvage des manifestations pacifiques du 9 avril jusqu’à l’assassinat dans des conditions invraisemblables du martyr Chokri Belaid en passant par l’utilisation de la chevrotine contre les manifestants à Siliana, les pratiques similaires à Menzel Bouzayene à El Hancha, la violence organisée est restée dans l’impunité à l’encontre des intellectuels, des artistes et des militants de la société civile, cela sans oublier les quantités incroyables de pièces d’armes circulant en toute liberté sur l’ensemble du territoire. Le bilan est particulièrement accablant pour M. Laarayedh et ne plaide pas en la faveur de sa réussite dans ses nouvelles fonctions».
En conclusion, dira M. Belhaj Amor, «la solution ne consiste pas à former un nouveau gouvernement condamné à échouer pour l’ensemble des raisons précitées, mais de revenir à la table de discussion et d’organiser une grande conférence de salut national, le seul cadre à même de fixer un agenda politique de nature à engager toutes les parties pour une véritable sortie de crise».