Au lendemain d’une attaque perpétrée lors d’une marche de soutien à Israël aux États-Unis, le président Donald Trump a signé un nouveau décret interdisant l’entrée sur le territoire américain aux ressortissants de douze pays, pour la plupart musulmans et africains. Une décision dénoncée comme arbitraire, qui réactive les divisions d’une Amérique déjà fracturée, et alimente les critiques sur la politique étrangère biaisée de Washington, notamment vis-à-vis du conflit israélo-palestinien.
Un attentat à Boulder comme déclencheur politique
Dimanche 1er juin 2025, à Boulder, dans l’État du Colorado, une marche organisée en soutien aux otages israéliens encore détenus dans la bande de Gaza a été violemment interrompue. Un homme de 45 ans, de nationalité égyptienne, a lancé des cocktails Molotov en criant « Palestine libre ». Douze personnes ont été blessées. L’assaillant a été rapidement maîtrisé par la police locale.
Le lendemain, la réaction présidentielle n’a pas tardé. Donald Trump, revenu au pouvoir en janvier après sa victoire électorale, a signé un décret interdisant temporairement l’entrée des ressortissants de douze pays : l’Afghanistan, la Birmanie, le Tchad, le Congo-Brazzaville, la Guinée équatoriale, l’Érythrée, Haïti, l’Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan et le Yémen. Cette mesure prendra effet le 9 juin.
L’Égypte, grande absente
Ce qui surprend de nombreux observateurs, c’est l’exclusion notable de l’Égypte de cette liste. Pourtant, c’est bien un ressortissant égyptien qui a été à l’origine de l’attentat invoqué comme justification au décret. Cette omission alimente les interrogations sur les véritables motivations de la Maison Blanche. Plusieurs ONG et associations de défense des droits civiques y voient une manœuvre politique plus qu’une décision fondée sur des critères de sécurité objectifs.
Le National Iranian American Council (NIAC) a dénoncé une mesure « profondément arbitraire », rappelant que l’administration Trump « instrumentalise la peur pour promouvoir un agenda xénophobe et opportuniste ». L’association pointe également la contradiction manifeste entre l’origine de l’assaillant et les pays visés.
Le retour d’un bannissement controversé
Ce décret n’est pas sans rappeler le tristement célèbre « Muslim Ban » mis en place dès les premiers jours de la présidence Trump en 2017. À l’époque, sept pays à majorité musulmane, dont l’Iran, la Libye et le Yémen, avaient été concernés. Après une longue bataille judiciaire, la Cour suprême avait validé une version modifiée du texte en 2018.
La mesure avait été vivement critiquée par les Nations unies et de nombreuses ONG internationales, qui y voyaient une atteinte directe au principe de non-discrimination. Le nouveau décret de 2025 semble suivre la même logique, au risque d’aggraver les tensions diplomatiques et de nourrir un climat de défiance au sein de la population américaine d’origine étrangère.
Une politique étrangère alignée sur Israël
Au-delà de la question migratoire, ce décret s’inscrit dans un contexte diplomatique explosif. Depuis plusieurs mois, les États-Unis bloquent systématiquement toute initiative de paix au Conseil de sécurité de l’ONU concernant la bande de Gaza. Le 4 juin, Washington a mis son veto à une résolution réclamant un cessez-le-feu immédiat, alors que l’offensive israélienne, déclenchée à l’automne 2024, continue de faire des milliers de victimes civiles.
Il s’agit du quatrième veto américain en moins de six mois sur ce dossier. La porte-parole de la Maison Blanche a justifié cette position par la nécessité de « préserver les efforts diplomatiques en cours ». Mais pour de nombreux diplomates et analystes, cette stratégie reflète un alignement inconditionnel sur la politique de Tel-Aviv, au détriment du droit international humanitaire.
Entre stratégie électorale et idéologie sécuritaire
À l’approche des élections de mi-mandat prévues en novembre, Donald Trump semble rejouer la carte sécuritaire et identitaire qui avait largement contribué à sa victoire en 2016. En mobilisant la peur d’un ennemi extérieur, il renforce sa base électorale conservatrice et détourne l’attention des dossiers économiques et sociaux brûlants.
Mais cette approche n’est pas sans risque. Les critiques se multiplient, y compris dans certains cercles modérés du Parti républicain, où l’on craint un isolement diplomatique croissant des États-Unis, ainsi qu’une fracture accrue de la société américaine.
En ressuscitant les logiques d’exclusion, Donald Trump ne fait pas seulement un choix idéologique : il engage à nouveau les États-Unis dans une vision du monde où la peur de l’autre l’emporte sur les principes de justice et d’équité. Reste à savoir si ce pari politique sera, cette fois encore, couronné de succès.