Coup de théâtre en Algérie où l’Armée a décidé de « lâcher » officiellement le président Abdelaziz Bouteflika. Le chef d’état-major de l’armée et vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salaha a demandé, ce mardi 26 mars 2019, que soit engagée la procédure prévue par l’article 102 de la Constitution.
Cette procédure est prévue quand le président de la République « pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions ». C’est le Conseil constitutionnel qui est habilité à déclencher la procédure de destitution du chef de l’État.
Affaibli depuis 2013 par les séquelles d’un AVC, le président Abdelaziz Bouteflika est confronté depuis plus d’un mois à une contestation sans précédent depuis son arrivée à la tête de l’Etat en 1999.
La solution permettant « une sortie de crise (…) se trouve dans l’article 102 » de la Constitution, a déclaré le général Ahmed Gaïd Salah dans un discours retransmis à la télévision nationale.
Le général-major Gaïd Salah a tenu à souligner que malgré le pacifisme de la révolte populaire, elle peut être exploitée pour déstabiliser le pays. Il appelle ainsi à l’application d’une solution dans le cadre constitutionnel.
« Dans ce contexte, il devient nécessaire, voire impératif d’adopter une solution pour sortir de la crise, qui répond aux revendications légitimes du peuple algérien, et qui garantit le respect des dispositions de la Constitution et le maintien de la souveraineté de l’État. Une solution à même d’aboutir à un consensus de l’ensemble des visions, et faire l’unanimité de toutes les parties, à savoir la solution stipulée par la Constitution ».
L’article 102 de la Constitution prévoit que : « lorsque le Président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose,à l’unanimité, au Parlement de déclarer l’état d’empêchement ».
Pour les spécialistes de l’Algérie, le général-major Gaïd Salah, patron de l’Armée nationale populaire (ANP), et « puissant acteur du jeu politique depuis l’indépendance de 1962 », comme le décrit Le Monde qui considère que l’ANP a pris ses distances avec le chef de l’Etat et son clan au fil de la crise.
Pour le chercheur en sciences politiques Kamal Cheklat, « il s’agit avant tout d’une stratégie de désamorçage ». « Il s’agit de répondre à certaines revendications mais sans changer le système ». Or ce « système », ancré dans la position prééminente de l’armée, remonte à la genèse même de l’indépendance. L’armée de libération nationale (ALN), devenue ensuite ANP, a créé l’Etat algérien, un acte fondateur source d’une tutelle dont le pays ne s’est pas encore vraiment affranchi.