C’est hier soir qu’a eu lieu la cérémonie de clôture de la 31ème édition des Journées cinématographiques de Carthage. Une édition exceptionnelle à tous points de vue. D’abord parce qu’elle a eu lieu pendant une période exceptionnelle à cause de cette pandémie de la Covid 19, avec des mesures sanitaires aussi exceptionnelles, et ensuite parce que le concept même et la programmation de cette session ont été exceptionnels : pas de compétitions (sauf pour Chabaka et Takmil), mais au contraire un retour vers le passé, tout en réfléchissant et en préparant le futur.
Cette édition des JCC2020 vient donc de s’achever, et tout porte à croire qu’elle s’est bien passée.
Sur le plan sanitaire, tous les invités venant de l’étranger ont été testés négatifs à leur arrivée et hier, juste avant leur départ. En espérant que tous les tunisiens ayant participé au festival sont aussi sains et saufs.
La direction du festival avait fait tout son possible pour assurer la sécurité de tous, notamment en fournissant masques et gel, en veillant à la propreté des lieux, en essayant de faire respecter la distanciation physique et en supprimant au maximum les publications papier. La billetterie s’est faite entièrement sur Internet, La Quotidienne a été diffusée par fichier PDF, les invitations aux divers évènements, dont les cérémonies d’ouverture et clôture, ont été envoyées par email. Par ailleurs, dans les salles, seuls 30% des sièges étaient disponibles. Et en innovant grâce au Drive In, qui permet de regarder des films tout en restant en sécurité dans sa propre voiture.
Dans sa grande majorité, le public a respecté toutes ces consignes, même si parfois certains baissaient ou enlevaient leurs masques dès l’extinction des lumières. Mais il est évident que le festival ne pouvait pas mettre un agent par spectateur pour l’obliger à garder son masque sur son visage.
Bien que lors de cette édition, seulement cinq films nouveaux ont été programmés en avant-première, le public a été au rendez-vous. D’après Brahim Letaief, directeur artistique, la plupart des séances ont affiché complet, en particulier pour les films tunisiens et même quelques films arabes et africains.
En fait, cette édition des JCC a été une bouffée de joie dont les tunisiens avaient cruellement besoin. Après des mois de fermetures des salles de spectacles, ils ont profité de ces journées pour retrouver le chemin des salles obscures et un semblant de retour à une vie normale, celle d’avant la pandémie.
Depuis quelques mois, on avait l’impression d’être devenus sauvages, sans aucune véritable vie sociale, ni surtout culturelle. Cette édition a été l’occasion de reprendre d’anciennes habitudes, en allant au cinéma, en rencontrant des amis, en faisant de nouvelles connaissances, en discutant, partageant…
Par ailleurs, ce concept Mémoire et Patrimoine, est arrivé à point. Pour les « anciens » cinéphiles, cela a été l’occasion de retrouver les souvenirs de leur jeunesse et d’anciennes éditions des JCC, une sorte de voyage nostalgique dans le temps. Pour le jeune public, c’était au contraire la découverte. La découverte d’anciens films qu’il ne connaissait pas, des films dont il entendait parler, des films importants qui font partie de notre patrimoine cinématographique arabo-africain.
Le public a été également intéressé par des films relativement récents mais qu’il n’avait pas pu voir lors de leur précédente programmation. Le réalisateur égyptien Mahmoud Soliman a même déclaré avoir été très agréablement surpris par l’accueil que les tunisiens ont réservés à son film Nous n’avons jamais été des enfants qui avait été en compétition aux JCC 2016, et par la qualité du débat qui a suivi la projection.
Quoi qu’il en soit, pour les uns et pour les autres, cette édition a été sourires et bonheur !
Le forum « Les JCC, hier, aujourd’hui et demain » a été l’occasion de réfléchir sur la situation du festival, sur son cadre juridique, sur ses archives éparpillées, sur son évolution… Un échange d’idées riche qui a donné lieu à une feuille de route remise au Centre National du Cinéma et de l’Image (CNCI) pour qu’elle puisse servir de base pour faire avancer les choses et surtout faire parvenir aux autorités les réflexions et souhaits de la société civile et des professionnels du cinéma.
Ce forum a particulièrement intéressé les invités étrangers, surtout africains, parce que justement les JCC est un des rares festivals à promouvoir le cinéma africain et à leur permette de montrer leurs films à un large public et qu’au fil des années, il est devenu le lieu de rencontre des cinéastes arabo-africains. Pour eux, ce festival n’est pas seulement tunisien, mais leur appartient à tous depuis sa création en 1966. Ils se sentent concernés par son évolution et son avenir et voudraient le voir rayonner encore plus et surtout travailler en collaboration avec d’autres festivals de cinéma africain tels le Festival panafricain du cinéma et de la télévision d’Ouagadougou (FESPACO) et le Festival du Film Africain de Louxor (LAFF).
La cérémonie de clôture a été, quelque part, aussi exceptionnelle, puisqu’il n’y avait aucune compétition, donc pas de lauréats à annoncer. Mais elle a été l’occasion de rendre hommage encore une fois à des professionnels du cinéma tunisien qui sont partis en 2020, avec la projection de la vidéo « Ils nous ont quittés, en 2020… » et d’annoncer la date de la 32ème édition des JCC qui se tiendra du 30 octobre à 6 novembre 2021.
Pour clore la cérémonie dans la joie, les invités ont eu le plaisir de découvrir la chanson « Enti Helm – إنت حلم » de Raoudha Abdallah, dédiée aux JCC et le court métrage Bolbol réalisé en 2017 par Khedija Lemkacher, avec la grande Fatma Ben Saidane dans le rôle principal. Quelques minutes de rire qui annoncent peut-être des moments agréables à passer dans les salles de cinéma qui ont ouvert leurs portes aujourd’hui même.
Neïla Driss