L’annonce du palmarès de la 29ème édition des Journées cinématographique de Carthage (JCC) a largement étonné les professionnels et les cinéphiles. Palmarès totalement inattendu et complètement injuste pour certains.
Dès la fin de la cérémonie, les critiques se sont abattues sur ce palmarès, plus particulièrement en ce qui concerne les compétitions longs métrages fiction, longs métrages documentaires et première œuvre.
Tout d’abord, tous se sont demandés pourquoi est-ce que le long métrage Regarde-moi réalisé par Nejib Belkadhi n’a eu aucun prix. Depuis sa projection, ce film avait eu un grand succès auprès du public et des professionnels. Nombreux avaient dit qu’il était le plus beau film de la compétition.
Pareil pour le jeune acteur Idryss Kharoubi qui jouait dans ce même film le rôle de Youssef, un jeune enfant autiste. Idryss avait été sublime. La plupart de ceux qui avaient vu le film se demandaient s’il était vraiment autiste ou pas ?
Le jury aurait pu donner au moins une mention au jeune acteur pour le féliciter, l’encourager et reconnaître son talent. Je partage totalement cet avis.
Stupeur aussi concernant le film égyptien Yomeddine réalisé par Abu Bakr Shawki qui n’a remporté que le Tanit d’Argent.
En fait, les pronostics du public et des divers professionnels donnaient ces deux films Regarde-moi et Yomeddine gagnants.
D’autres critiques ont aussi concerné les films Le voyage inachevé du syrien Joud Said qui a remporté quatre prix (Tanit de Bronze, Meilleure image, Prix du public et le Prix FIPRESCI) et Sofia de la marocaine Meriem Ben M’Barek qui a remporté trois prix (Mention spéciale du Jury, Prix TV5 Monde et Prix Taher Cheriaa). Pourquoi autant de prix à ces deux films, alors que les jurys auraient pu distribuer ces récompenses d’une façon un peu plus équilibrée et équitable ? Pourquoi est-ce que Sofia a gagné les deux prix de première œuvre alors que Yomeddine qui est bien plus beau et dont le sujet est plus intéressant et inhabituel et qui concourrait dans la même catégorie, n’a rien eu?
Nombreux sont aussi ceux qui ont considéré que le film Fatwa de Mahmoud Ben Mahmoud ne méritait pas le Tanit d’Or. Un critique de cinéma irakien a précisé que si les membres du jury avaient choisi ce film pour son thème concernant l’endoctrinement des jeunes, Weldi, mon cher enfant de Mohamed Ben Attia aurait été un choix plus judicieux, ce film présentant le sujet sous un angle nouveau, plus subtil et plus effrayant que le discours direct du film Fatwa. Par contre, rares sont ceux qui ont remis en question le prix de meilleur acteur attribué à Ahmed Hefiane.
Les critiques ont aussi concerné les documentaires. Pourquoi est-ce que des films comme Subutex de Nasreddine Shili ou De père en fils (Of fathers and sons) de Talal Derki n’ont rien eu ?
D’après un cinéaste, il n’est pas normal que De père en fils qui est un magnifique documentaire et qui a nécessité un énorme travail de la part de son réalisateur (il y a consacré 4 ans et a risqué sa vie pour le filmer), n’a rien eu alors qu’un documentaire insipide comme You come from far away de Amal Ramsis qui s’est basée surtout sur des images d’archives et quelques prises sur une avenue de Barcelone a remporté le Tanit d’Argent !
Je partage totalement cet avis. Pour De père en fils, le réalisateur a partagé la vie d’une famille daéchienne. Il a ainsi pu les filmer et nous montrer comment les enfants sont éduqués et préparés à devenir de futur terroristes. Effrayant ! De père en fils a d’ailleurs déjà remporté une bonne douzaine de prix dans d’autres festivals, mais rien aux JCC !
Les critiques concernant ce palmarès se sont poursuivies sur les réseaux sociaux. Le réalisateur Lotfi Achour a d’ailleurs écrit un statut dans lequel il va jusqu’à accuser les festivals de magouilles.
Ce que réfute Dora Bouchoucha qui a été directrice des JCC en 2008, 2010 et 2014.
Ridha Behi, membre du jury de la compétition officielle longs et courts métrages de fiction a lui aussi publié un statut sur son compte facebook pour assurer que le jury n’a subi aucune pression et qu’il assume ses choix.
Oui, ce palmarès a étonné presque tous, toutefois, même si on ne partage pas tous les choix des trois jurys, il n’en reste pas moins que les films primés sont presque tous de qualité (ils figurent d’ailleurs pour la plupart dans la liste de mes films préférés) et que trancher entre eux est très difficile !
Neïla Driss
Lire sur le même sujet:
– Les Journées Cinématographiques de Carthage 2018 en chiffres
– JCC 2018 – Neuf films tunisiens en compétition officielle
– JCC 2018 – Les projets sélectionnés dans le cadre de CHABAKA 2018
– Les JCC, un festival crée par des cinéphiles pour des cinéphiles
– JCC 2018 – Le festival aura lieu comme prévu
– JCC 2018 – Une affiche en hommage à Youssef Chahine.
– Après son succès aux JCC 2018, le film égyptien Yomeddine distribué en Tunisie
– JCC 2018 – Les films que j’ai préférés
– JCC 2018 dans les régions – Le programme détaillé des projections
– Les JCC des Prisons, 4 ans déjà !
– JCC 2018 – Deux Tanit d’Or pour les films tunisiens Fatwa et Brotherhood.
– JCC 2018 – La cérémonie de clôture en photos