Le Festival international du film du Caire a annoncé que le Prix Faten Hamama d’excellence sera remis, lors de sa 46ᵉ édition qui se tiendra du 12 au 21 novembre 2025, à l’acteur égyptien Khaled El Nabawy, l’une des figures les plus marquantes et les plus respectées du cinéma arabe contemporain. Cette distinction rendra hommage à une carrière remarquable, guidée par une conscience artistique rare et un engagement constant envers le cinéma comme vecteur de culture et d’humanité.
Institué en mémoire de la grande actrice Faten Hamama, le prix honore chaque année des personnalités éminentes du cinéma pour leur contribution exceptionnelle à l’enrichissement de l’art cinématographique. En 2024, il avait été attribué à Ahmed Ezz, et en 2022 à Karim Abdelaziz — deux acteurs qui, chacun à sa manière, incarnent la vitalité et la modernité du cinéma égyptien.
Formé à l’Institut supérieur d’art dramatique du Caire dont il sort diplômé en 1989, Khaled El Nabawy débute la même année avec Une nuit de noces (Leilat Asal) de Mohamed Abdel Aziz. Dès ses premiers rôles, il attire l’attention par sa rigueur et la profondeur psychologique de ses compositions. Sa participation à Le Citoyen égyptien (Al-Muwatin Masri) de Salah Abou Seif, aux côtés de Omar Sharif, confirme un talent d’interprète capable d’allier intensité et retenue, émotion et maîtrise.
C’est toutefois en 1994, avec L’ÉmigrĂ© (Al-Mohager) de Youssef Chahine, que sa carrière prend un tournant dĂ©cisif. Sous la direction du maĂ®tre, il livre une interprĂ©tation habitĂ©e, Ă la fois charnelle et spirituelle, qui lui ouvre la reconnaissance du public et de la critique, en Égypte comme Ă l’étranger. Ce rĂ´le fondateur l’installe durablement parmi les acteurs les plus prometteurs de sa gĂ©nĂ©ration. L’Ă©migrĂ© sera projetĂ© lors de cette Ă©dition dans la section Cairo Classics.
Au fil des années, Khaled El Nabawy s’impose comme l’un des visages majeurs du cinéma égyptien moderne, alternant entre drames intimistes et fresques sociales : Le Destin (Al-Massir, 1997) de Youssef Chahine, Omar 2000 (2000) d’Ahmed Atef, Le Dealer (Al-Dealer, 2010) d’Ahmed Saleh, ou encore Le Voyageur (Al-Mosafer, 2009) d’Ahmed Maher témoignent d’une filmographie exigeante, marquée par le souci de la vérité intérieure. Son interprétation, toujours mesurée, traduit une compréhension rare de la complexité humaine, nourrie d’un travail minutieux sur le geste, la voix et le regard.
Son parcours s’est également ouvert à l’international : il tournera sous la direction de Ridley Scott dans Kingdom of Heaven (2005), donnera la réplique à Naomi Watts et Sean Penn dans Fair Game (2010), et tiendra le rôle principal du film The Citizen (2012) de Sam Kadi, présenté dans plusieurs festivals internationaux. Ce dernier, qui lui a valu une reconnaissance mondiale, sera projeté cette année dans la section Cairo Classics du festival, en hommage à l’ensemble de sa carrière. Ces collaborations confirmeront la stature mondiale d’un artiste capable de franchir les frontières culturelles sans jamais renier ses racines.
Parallèlement à son œuvre cinématographique, Khaled El Nabawy mène depuis plus de trente-cinq ans une riche carrière télévisuelle, de Bawwabat Al-Helwani (La Porte d’Al-Helwani) jusqu’à Embratoret Meem (Empire M, 2024), où il explore avec une constante justesse les drames et dilemmes du quotidien égyptien. Il s’est également illustré sur scène, notamment avec Al-Genzir (La Chaîne) au Caire et Camp David à Washington, où il incarnait le président Anouar El-Sadate — rôle salué par la critique américaine pour sa précision et sa dignité.
En honorant Khaled El Nabawy du Prix Faten Hamama d’excellence, le Festival international du film du Caire célébrera bien plus qu’un acteur accompli : il saluera une trajectoire exemplaire, celle d’un artiste qui a su faire du cinéma une parole de vérité et de dialogue, un espace de rencontre entre l’Égypte et le monde.
NeĂŻla Driss