Regardez bien cette photo car il ne s’agit pas d’un vulgaire terrain vague…
Je ne sais si les lieux vous disent quelque chose mais nous sommes devant ce qui reste des locaux de la défunte STD.
La STD, disparue depuis quelques décennies, était un peu la FNAC du Tunis des années soixante. On y trouvait tout : livres, disques, fournitures.
Ces trois lettres signifient SociĂ©tĂ© tunisienne de Diffusion, une entreprise publique qui a longtemps eu le monopole du livre en Tunisie. C’Ă©tait l’un des symboles de la culture dans une ville de Tunis qui n’avait pas encore perdu ses repères.
Aujourd’hui, il ne reste plus de la STD que ce terrain vague en plein cĹ“ur de l’avenue de Carthage. J’y vois comme un symbole du dĂ©labrement culturel de notre Tunis actuel. Car, sous nos yeux, notre capitale perd ses cinĂ©mas, ses galeries, ses librairies et ses restaurants dans un parfum de dĂ©cadence que souligne bien la clochardisation d’un centre-ville dĂ©boussolĂ©.
En regardant cette photo, les plus anciens pourront bien entendu reconstruire mentalement leur STD, avec ses immenses vitrines et ses deux Ă©tages de livres, avec le lĂ©gendaire accueil de Lassaad Lioui et l’ombre tutĂ©laire de Azzouz Rebai.
Dans le temps, sur ces lieux s’Ă©levait le cinĂ©ma Nunez, l’un des premiers de la capitale. Plus tard, Ă la fermeture de la STD, une grande galerie d’art devait y voir le jour. Mais rien ne sera fait et le marteau-piqueur des dĂ©molisseurs emportera tout.
Aux dernières nouvelles, on compte construire ici un souk dans le style Moncef Bey pour y accueillir les ambulants et camelots qui squattent les rues de la capitale.
Tout un symbole… Toute la lente descente aux enfers de Tunis est rĂ©sumĂ©e par ce projet indigne qui achèvera de dĂ©figurer ce qui reste debout dans cette pauvre avenue de Carthage et ses environs barcelonesques, dantesques et kafkaiens.
Pauvre Tunis, pauvre ville dĂ©sertĂ©e par l’honneur et le goĂ»t alors que tout un peuple se gargarise de dignitĂ© tout en se vautrant dans la fange…
