Dans le registre des mĂ©saventures, celle qui est arrivĂ©e Ă un mien ami mĂ©rite d’ĂŞtre racontĂ©e. Entre rires de connivence et larmes de rage, notre hĂ©ros a du dĂ©bourser la coquette somme de 37 dinars pour un sandwich au thon, tout ce qu’il y a de plus classique.
L’appel des papilles et… de la grue
Les faits se sont passĂ©s samedi dernier lorsque ce gars a eu une petite fringale matinale qui l’a menĂ© tout droit au restaurant du grand Hattab Barrouta, maĂ®tre ès lablabi, kaftagi et plats tunisiens.
Par la perspective allĂ©chĂ©, notre ami en perdit le nord! En effet, arrivĂ© entre rue de Marseille et rue du Ghana, vers 8h du matin, il se gara un peu n’importe comment pour rĂ©pondre Ă l’appel de ses papilles. Mais, se disait-il, ce n’est qu’une affaire de minutes…
Pour quelques minutes et une gourmandise…
Et, en effet, il fut rapidement servi et put dĂ©guster son casse-croĂ»te magique. Passant Ă la caisse, il laissa deux dinars et quelques millimes puis, se caressant l’estomac, il revint vers sa voiture. Huit minutes s’Ă©taient passĂ©es depuis le moment oĂą il avait garĂ© son vĂ©hicule, Ă l’emporte-pièce, il est vrai…
Ecarquillant les yeux puis reprenant vite ses esprits, notre gars constata que la voiture n’Ă©tait plus lĂ et en conclut vite qu’elle avait Ă©tĂ© enlevĂ©e par monsieur le maire qui ne peut rien contre ceux qui ne votent pas mais, par contre, Ă©crase par grues interposĂ©es ceux qui votent.
Vigilance élastique et amendes salées
En effet, les vigilants services municipaux qui ne voient jamais les poubelles qui s’amoncellent mais tirent plus vite que leur ombre quand il s’agit de voitures mal garĂ©es, Ă©taient bien passĂ©s comme le signalèrent les badauds.
Puni, alors que tous les dĂ©linquants qui ravagent en ce moment la capitale ne le sont pas, ce père de famille qui avait cĂ©dĂ© aux sirènes d’un casse-croĂ»te Hattabien dut dĂ©bourser les 35 dinars d’amende et les soustraire du maigre budget qu’il comptait consacrer au MarchĂ© central.
Merci monsieur le maire !
On mangera moins cette semaine mais on engraissera des services municipaux qui semblent avoir pour mission de torturer les gens simples qui ont le malheur de posséder une voiture et venir en ville.
A force de dissuader les Tunisois de se rendre au centre-ville, la MunicipalitĂ© de Tunis a fini par livrer le cĹ“ur de la ville aux voyous, aux zonards et Ă la prostitution qui s’affichent ostensiblement, au vu et au su de tous, transformant en enfer la vie des pauvres gens qui habitent les quartiers du centre.
Merci monsieur le Maire ! Voici comment on punit les gens « normaux », voici comment on fabrique du ressentiment à partir de rien du tout, voici comment on détruit une ville pour lui substituer une jungle urbaine.
Les grues qui piègent la classe moyenne
Il en a coĂ»tĂ© Ă ce pauvre homme 37 dinars pour un simple casse-croĂ»te. Vous pouvez ĂŞtre fier de vos services et de leur clairvoyance. Je pourrais raconter des centaines d’anecdotes sur la brutalitĂ© vicieuse dont font preuve nos services municipaux lorsqu’il s’agit de piĂ©ger les voitures de la classe moyenne.
Cela ne servirait Ă rien car, comme tout le reste dans ce satanĂ© pays, la Ville de Tunis est dĂ©connectĂ©e de la vie des gens, du quotidien difficile de ses habitants, joue Ă l’autruche, ne parvient pas Ă mener Ă bien sa mission mais ne se gĂŞne pas pour Ă©craser les pauvres gens.
Que c’est triste Tunis…
Enlever Ă un père de famille son vĂ©hicule Ă 8h du matin, le priver de 35 dinars le 14 du mois lorsque tout un peuple râcle le fond de ses poches, n’honore personne. Au contraire, cela rĂ©vèle bien le mĂ©pris, la « hogra » – comme on dit maintenant – dans laquelle les responsables du bien public tiennent leurs otages.
Que c’est triste Tunis avec ses squats devant lesquels la municipalitĂ© avoue son impuissance… Que c’est triste Tunis avec ses poubelles dĂ©grafĂ©es et ses sacs en plastique noir qui volent au grĂ© du vent… Que c’est triste Tunis avec ses rues mortes et son architecture qui rend l’âme…
Deux poids, deux mesures
Pauvres Tunisois ! Leur mĂ©tro est le paradis des pickpockets, leurs moyens de transport public sont tous clochardisĂ©s, mĂŞme leurs trottoirs sont confisquĂ©s… Et avec cela, ils sont obligĂ©s de voir que mĂŞme pour les voitures mal garĂ©es, il y a deux poids et deux mesures.
On autorise certains à se garer sur le trottoir et on punit les autres pour quelques minutes de stationnement. On ferme les yeux sur les véritables infractions et on écrase les petites entorses.
Des parkings plutĂ´t que des statues
On installe des statues au centre-ville alors que c’est de parkings que nous avons besoin. Qu’on se le dise, si ce gars a payĂ© 37 dinars pour un casse-croĂ»te, c’est bien parce que la Ville est incapable de crĂ©er des parkings viables et gĂ©rer les flux urbains selon les logiques les plus Ă©lĂ©mentaires.
Mais bon, ĂŞtre Ă©crasĂ©s, ça nous connait… Et tous les « écraseurs » au pouvoir surfent sur cet atavisme pour toujours nous Ă©craser davantage. Jusqu’Ă quand ?
H.B.
