En Tunisie, près de 12 % des femmes atteintes d’un cancer ont été confrontées au divorce en 2024, selon les données récentes de l’Union nationale de la femme tunisienne (UNFT).
Ce chiffre, apparu publiquement fin octobre 2025, a été confirmé par Radhia Jerbi, présidente de l’UNFT, qui dénonce une « mentalité machiste » réduisant la femme à son corps et ignorant sa dignité humaine.
Dans une déclaration diffusée ce week-end par l’agence TAP, Radhia Jerbi a dénoncé la persistance d’une « mentalité machiste » qui réduit la femme à son apparence physique et nie sa dignité.
Elle a alerté sur la multiplication des divorces pour préjudice déposés par des maris contre leurs épouses atteintes d’un cancer, parlant d’une société où la maladie féminine reste perçue comme une faiblesse coupable.
« Ces femmes subissent une double peine : celle de la maladie et celle de l’abandon conjugal », a-t-elle déploré.
Le cancer n’est pas un motif légal de séparation
Sur le plan juridique, Jerbi rappelle que le divorce pour préjudice lié à une maladie grave reste soumis à l’appréciation du juge.
Mais selon un revirement de la Cour de cassation, si l’épouse ignorait sa maladie avant le mariage, le cancer ne peut être considéré comme un motif de divorce.
« Le mari est tenu d’assister et de soutenir son épouse malade, conformément aux devoirs conjugaux prévus par l’article 23 du Code du statut personnel », précise-t-elle.
Autrement dit, le cancer ne saurait être assimilé à une faute, ni légale ni morale.
Les témoignages recueillis par l’UNFT illustrent cette dérive.
Lors d’une table ronde intitulée « Les répercussions du cancer sur les relations conjugales », Arbia Lahmar, spécialiste sociale du centre d’écoute de l’Union, a raconté le parcours de plusieurs femmes confrontées à la fuite ou au rejet de leur mari :
refus de la mastectomie, départ du domicile conjugal, pressions pour signer un divorce à l’amiable, voire accusations d’incapacité conjugale.
Beaucoup de patientes, ébranlées par la perte de cheveux ou l’ablation d’un sein, finissent par accepter la rupture sous pression, convaincues à tort d’avoir failli.
Appel à la solidarité et à la réforme
Face à ce constat, Radhia Jerbi plaide pour un encadrement juridique renforcé et une sensibilisation nationale sur le devoir de solidarité conjugale.
Elle appelle les magistrats, médecins et associations à travailler ensemble pour protéger les femmes malades contre les abus du divorce.
« Le cancer peut frapper tout être humain. Il ne doit jamais servir de prétexte pour détruire une famille »,
a insisté la présidente de l’UNFT.
Une campagne nationale de sensibilisation est en préparation, visant à rappeler que l’amour et la responsabilité ne s’arrêtent pas au seuil de la maladie.
Un phénomène universel, mais des femmes toujours plus seules
Cette réalité ne se limite pas à la Tunisie.
Partout dans le monde, les femmes atteintes d’un cancer sont plus exposées à l’abandon conjugal que les hommes.
Les associations tunisiennes, tout comme les études menées en Europe et aux États-Unis, montrent que les maris quittent quatre fois plus souvent leurs épouses malades que l’inverse.
Une recherche publiée dans la revue Cancer a révélé que 21 % des femmes diagnostiquées ont été laissées par leur conjoint, contre 3 % seulement des hommes.
En Tunisie, les témoignages recueillis par les centres d’écoute de l’UNFT et de l’Institut Salah Azaïz confirment cette tendance : les femmes malades sont abandonnées là où les hommes sont soutenus.
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