À Tunis, l’Institut Hédi Raïs, référence nationale en ophtalmologie, devient le théâtre d’un double récit : celui de la modernisation technologique et du malaise social.
La lumière et l’ombre
Le 1er novembre 2025, le ministère de la Santé a célébré la 11ᵉ journée scientifique de l’Institut Hédi Raïs d’ophtalmologie.
Devant un parterre de praticiens, le ministre Mustapha Ferjani s’est félicité de « l’alliance entre science et humanité », annonçant le lancement d’un programme d’intelligence artificielle pour la photographie de la rétine, destiné à rapprocher les services médicaux des régions intérieures.
« Nous travaillons à mettre la technologie au service de la santé et de l’équité territoriale », a-t-il déclaré.
« L’Institut Hédi Raïs reste une école de la science et de l’espoir, où les yeux s’éclairent et les cœurs battent pour une meilleure santé. »
Une communication limpide, presque poétique.
Mais, à quelques jours d’intervalle, un autre message — bien moins apaisé — a jailli des mêmes murs.
L’autre visage de l’Institut
Le 28 octobre, la Fédération générale de la santé, relevant de l’UGTT, publie un communiqué alarmant.
Elle y dénonce une « détérioration grave du climat social » et un « resserrement systématique du travail syndical ».
En cause : la fermeture du siège du syndicat de base de l’Institut Hédi Raïs et la mutation de son secrétaire général, Noufel Rahim, vers la direction régionale de la santé de Tunis — une décision signée par le ministre, justifiée par la « nécessité de service ».
Pour la centrale syndicale, il s’agit d’une « mesure arbitraire et d’une attaque frontale contre le droit syndical ».
Le communiqué avertit :
« Ces pratiques constituent un précédent dangereux et un ciblage méthodique des syndicalistes. »
« Nous appelons à la réouverture immédiate du siège syndical et à l’annulation de la mutation, faute de quoi la mobilisation pourrait s’élargir jusqu’à la grève générale. »
Ainsi, le même institut cité comme modèle de modernité devient, dans le même temps, symbole d’un malaise social profond.
Le paradoxe du progrès
D’un côté, le ministère érige l’innovation technologique en remède aux fractures territoriales.
De l’autre, les soignants dénoncent une fracture plus intime : celle du dialogue rompu.
Ce contraste illustre une tendance plus large dans le système de santé tunisien :
la modernisation des infrastructures avance plus vite que l’amélioration des conditions humaines.
À Hédi Raïs, on expérimente l’intelligence artificielle pour mieux voir.
Mais, pour beaucoup de personnels, c’est le regard sur le travail qui s’aveugle.
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