Le président de la République, Kaïs Saïed, a annoncé une réforme majeure du Code du travail visant à mettre fin à la précarité des contrats et à interdire la sous-traitance de main-d’œuvre.
Cette refonte fait suite au rejet de six projets de loi antérieurs, jugés insuffisants pour répondre aux problématiques du marché de l’emploi en Tunisie.
La version finale du projet de loi, publiée par Ali Zaghdoud, président du bloc parlementaire « La Victoire au Peuple », sera prochainement soumise au vote à l’Assemblée des représentants du peuple. Ce texte propose des modifications structurelles profondes du droit du travail, notamment :
1. Un CDI comme règle générale
Désormais, tout contrat de travail sera automatiquement considéré comme un contrat à durée indéterminée (CDI), sauf exceptions encadrées par la loi. Cette disposition vise à sécuriser les travailleurs tunisiens en mettant un terme à l’usage abusif des contrats à durée déterminée (CDD), qui ont souvent servi à maintenir une main-d’œuvre précaire.
Le texte prévoit néanmoins une période d’essai de six mois, renouvelable une seule fois. Durant cette période, une rupture de contrat devra être notifiée avec un préavis de 15 jours, sous peine de sanctions. En cas de renouvellement après la période d’essai, le contrat devient automatiquement un CDI sans possibilité de prolongation sous une autre forme contractuelle.
2. La fin de la sous-traitance de main-d’œuvre
L’un des points les plus marquants du projet de loi est l’interdiction totale de la sous-traitance de main-d’œuvre, un système critiqué de longue date pour son impact négatif sur les conditions de travail et la protection sociale des employés.
Toute entreprise employant des travailleurs via une société intermédiaire sera sanctionnée par une amende de 10 000 dinars. En cas de récidive, les responsables légaux de l’entreprise encourront une peine de prison de trois à six mois. Cette mesure vise à empêcher les employeurs de contourner la législation en externalisant l’embauche à des agences spécialisées, souvent au détriment des droits des travailleurs.
3. Une réforme contre « l’esclavage moderne »
Kaïs Saïed a insisté sur la nécessité d’une rupture totale avec les pratiques antérieures, qualifiant le système des contrats précaires et de sous-traitance de forme moderne d’esclavage. Il a rappelé que les réformes précédentes, notamment celles de 1994 et 1996, n’avaient fait qu’entériner des solutions temporaires sans s’attaquer aux causes profondes de la précarité.
Ce projet de loi, s’il est adopté, marquera un tournant historique dans la régulation du marché du travail tunisien, en garantissant plus de stabilité aux travailleurs et en renforçant la protection sociale. Il traduit également la volonté du président de rompre avec un modèle économique basé sur la précarisation de l’emploi et d’imposer des réformes structurelles profondes.