La 45ème édition du Festival International du Caire (CIFF), tenue du 13 au 22 novembre 2024, a été marquée par de nombreux événements, dont une discussion avec l’acteur égyptien Amr Saad qui a attiré un large public. Connu pour ses rôles variés, Amr Saad est souvent décrit comme un acteur représentatif de sa génération, reflétant des réalités diverses avec authenticité.
Lors de la conversation animée par le critique cinématographique Rami Abdel Razeq, Amr Saad a exprimé sa joie de participer au festival, évoquant l’amour de ses parents pour le cinéma et l’éducation qu’il a reçue, bercée par cette passion depuis son enfance.
Un acteur reconnu
Amr Saad, avec son style naturel et sa proximité avec l’homme de la rue, a su marquer les esprits. Depuis ses débuts, il s’est distingué dans des rôles importants tels que dans Hena maysara (2007) et Mawlena (2016). Sa carrière illustre une trajectoire construite sur la détermination et des choix artistiques sincères.
Amr Saad a confié qu’il avait toujours veillé, dès le début de sa carrière, à incarner des rôles que personne d’autre ne pouvait jouer. Il rejetait l’idée qu’un autre acteur puisse être envisagé pour un rôle qui lui avait été proposé, estimant que son style et sa performance étaient uniques. Il a déclaré : « Sans exagération, je peux dire qu’aucun des rôles que j’ai interprétés jusqu’à aujourd’hui ne pourrait être joué par quelqu’un d’autre. Par ailleurs, je reconnais que d’autres acteurs, qu’ils soient débutants ou expérimentés, excellent dans leurs rôles, au point que je me retrouve souvent à les applaudir lors d’une projection. »
Un rêve et une décision
Interrogé sur ce qui l’a conduit vers le métier d’acteur, Saad a livré une réflexion marquante : « L’Égypte est un pays où beaucoup aspirent à devenir acteurs. Pourquoi ? Parce que notre société est impitoyable, les opportunités sont rares, et peu de gens parviennent à accomplir leurs rêves. »
Il a grandi dans une famille modeste où, malgré les moyens limités, ses parents trouvaient toujours une façon de les emmener au cinéma. « Nous parlions beaucoup de cinéma à la maison, » a-t-il confié. Cette passion familiale a nourri son rêve d’influencer les autres. Avant de devenir acteur, il a exploré plusieurs voies comme l’écriture, la poésie et même le chant. « Je voulais que les gens entendent mes idées, même si elles n’étaient pas toujours correctes. »
Son parcours n’a pas été sans embûches. Recalé de l’Institut du Cinéma, Amr Saad n’a pas baissé les bras. « J’étais tellement confiant que je suis directement allé assister aux cours avant de réaliser que je n’avais pas été accepté. Mais j’ai dit : ce sont eux les perdants, pas moi ! »
Il a poursuivi son chemin avec une détermination inébranlable. Il a évoqué ses rêves de jeunesse, notamment celui de voir son portrait affiché devant un grand cinéma. « Chaque fois que je passais devant le cinéma Cairo, j’imaginais mon visage sur une affiche géante, » a-t-il confié. Ce rêve s’est concrétisé lorsque sa première affiche a finalement été exposée à cet endroit emblématique. Il a expliqué que son succès dans le cinéma reposait surtout sur sa détermination et sa volonté de réussir.
Il a admis que son parcours avait été difficile et éprouvant, mais il a choisi de partager son histoire pour inspirer les autres.
Apprendre à regarder et apprécier
Une expérience en Allemagne l’a profondément marqué. Lors d’une exposition de peintures, il a été frappé par la capacité des gens à apprécier l’art. « En Égypte, nous ne savons pas profiter de ces moments simples, » a-t-il observé. Cette expérience l’a poussé à revoir sa manière d’appréhender le cinéma, en se concentrant sur les détails et les subtilités du jeu d’acteur.
Un moment clé de son apprentissage a été lorsqu’un ami lui a montré le film Le Chauffeur de Bus (1982). « Regarde Nour Cherif, vois comment le réalisateur utilise les détails pour créer une ambiance, » lui avait dit son ami. Cette révélation l’a poussé à analyser les films différemment, étudiant aussi bien le cinéma égyptien qu’étranger.
Une quête de perfection
Amr Saad a exprimé son désir de ne jouer que des rôles uniques, refusant ceux qu’il jugeait ne pas pouvoir porter à leur pleine mesure. Cette exigence l’a poussé à se former, à apprendre de grands artistes comme Naguib Mahfouz et des réalisateurs emblématiques. Il a raconté ses échanges avec ces figures majeures, reconnaissant leur influence sur son parcours.
Il a également travaillé comme technicien et architecte décorateur, une expérience qu’il décrit comme formatrice : « J’ai vu les deux aspects, celui de l’ouvrier et celui de l’architecte. Cela m’a permis de développer une perspective unique, comme une lentille qui m’a aidé à devenir acteur. »
Amr Saad a parlé de sa participation comme invité dans le film El Sitt, réalisé par Marwan Hamed, qu’il a décrit comme un cinéaste de calibre international. Bien qu’il n’ait jamais accepté ce type de rôle auparavant, il a été honoré de collaborer avec Hamed. De plus, il a été surpris lorsque ce dernier lui a proposé d’incarner Gamal Abdel Nasser, un rôle difficile qu’il a accepté avec enthousiasme.
En expliquant son absence récente des écrans, Amr Saad a précisé qu’il prenait soin de choisir ses rôles avec attention, cherchant à présenter des œuvres puissantes nécessitant une grande préparation. Il a mentionné son dernier film, Al-Ghorban (Les Corbeaux), qui a nécessité quatre ans de tournage avec un budget de près d’un demi-milliard de livres égyptiennes. Ce film, se déroulant pendant la Seconde Guerre mondiale, explore un conflit intense dans le désert occidental à la veille de la bataille d’El-Alamein. Le projet réunit une pléiade d’acteurs, dont Mai Omar, Majed El Masry, Mohamed Alaa, et Asmaa Abou El-Yazid. Amr Saad a félicité le réalisateur Yassine Hassan, pour qui c’était le premier long-métrage, et le producteur Saif Aribi pour les ressources mises à disposition.
Une vision pour l’avenir du cinéma Égyptien
Amr Saad a également partagé sa vision pour le cinéma égyptien, insistant sur la nécessité d’investir dans la qualité et d’encourager les productions locales et internationales. « Le cinéma est une mine d’or, mieux qu’un puits de pétrole, » a-t-il déclaré, soulignant l’importance de la collaboration entre l’État et les créateurs pour renforcer l’industrie.
Par ailleurs, il a appelé les responsables à faciliter et réduire les coûts des tournages dans les rues, places et lieux divers en Égypte, soulignant que les tarifs exagérés exigés pour filmer dans certains endroits étaient injustifiés. Il a insisté : « Nous avons un trésor en Égypte qu’on appelle l’industrie cinématographique, qui génère des milliards. Nous devons en prendre soin et soutenir ceux qui y contribuent. »
Il a plaidé pour que le public évite de juger les films sur des critères moraux, expliquant que les œuvres sont soumises à une censure avant leur sortie. Il a invité les spectateurs à les accepter comme elles sont ou à choisir de ne pas les regarder, mais sans émettre de jugements moraux. Il a aussi rejeté l’idée de qualifier une œuvre d’« insignifiante », soulignant les efforts considérables déployés par les artistes pour divertir le public.
Un modèle de persévérance
La conversation avec Amr Saad au CIFF 2024 était bien plus qu’une simple discussion sur le cinéma. Elle a révélé un homme passionné, convaincu de la force de l’art pour transformer les vies et inspirer les autres à croire en eux-mêmes.
Amr Saad a livré un témoignage riche d’enseignements et d’inspiration, rappelant que le succès naît avant tout de la persévérance et de la foi en soi-même. Enfin, il a présenté ses excuses aux médias, expliquant que sa timidité l’avait poussé à éviter les interviews, ce qui avait donné l’impression qu’il était arrogant. Cependant, il a pris conscience qu’il devait être plus accessible pour mieux partager ses expériences et ses idées avec le public.
Neïla Driss