Amnesty International revient sur l’affaire de l’aéroport en marge de laquelle Seifeddine Makhlouf, Maher Zid, Nidhal Saoudi, et Mohamed Affes ainsi que l’avocat Mehdi Zagrouba et Lotfi Mejri, ont été condamnés à des peines allant de cinq à 14 mois de prison.
« Les tribunaux militaires tunisiens devraient immédiatement annuler les condamnations récentes de six civils (…) et relâcher ceux qui ont déjà été placés en détention », a déclaré Amnesty International jeudi 2 février dans un communiqué.
Le 20 janvier, la Cour d’appel militaire a condamné Seifeddine Makhlouf, Maher Zid, Nidhal Saoudi, et Mohamed Affes, à des peines allant de cinq à 14 mois de prison pour « outrage à fonctionnaire public », troubles à l’ordre public.
Nidhal Saoudi, a été condamné pour menaces à fonctionnaire public, en relation avec un différend les ayant opposés à des policiers à l’aéroport international de Tunis. La Cour a aussi condamné l’avocat Mehdi Zagrouba et Lotfi Mejri, pour la même affaire.
« Ces condamnations ne sont que le dernier chapitre en date d’une histoire plus large dans laquelle des civils sont jugés par des tribunaux militaires sous le président Kaïs Saïed. Les tribunaux militaires tunisiens ne sont pas dotés de l’indépendance requise par le droit international, et ces poursuites répressives et injustes doivent cesser immédiatement », a déclaré Amna Guellali, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.
« Les tribunaux militaires tunisiens ouvrent de plus en plus fréquemment des enquêtes et des poursuites contre des personnes civiles depuis que le président Kaïs Saïed s’est emparé du pouvoir le 25 juillet 2021, sur fond de détérioration plus large des droits fondamentaux », signale Amnesty.
Outre les condamnations prononcées contre les quatre politiciens après cet incident, la Cour militaire d’appel a condamné Mehdi Zagrouba à 11 mois de prison et lui a interdit de pratiquer le droit pendant cinq ans, pour « outrage » et agression contre un fonctionnaire, et troubles à l’ordre public, selon Anour Ouled Ali.
La Cour a par ailleurs condamné Lotfi Mejri à trois mois d’emprisonnement avec sursis. Il se trouvait à l’aéroport et a utilisé son téléphone portable pour saisir des images de la confrontation entre la police et les politiciens et Mehdi Zagrouba.
Amnesty International considère que la compétence des tribunaux militaires ne doit s’exercer que sur les membres des forces armées poursuivis pour des infractions à la discipline militaire.
L’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la Tunisie est partie, garantit le droit à un procès public et équitable devant un tribunal « compétent, indépendant et impartial établi par la loi ».
Le président Kaïs Saïed est le commandant en chef des forces armées et prend la décision finale lors de la désignation des juges et des procureurs auprès des tribunaux militaires. Les procureurs militaires sont également des membres des forces armées en service actif, et sont donc susceptibles de faire l’objet de procédures disciplinaires. Les tribunaux militaires tunisiens ne sont par conséquent pas indépendants selon la définition donnée par le droit international.
L’article 14 du PIDCP interdit par ailleurs aux tribunaux de poursuivre quiconque pour une infraction pour laquelle cette personne a déjà été condamnée ou acquittée au terme d’un procès, sauf circonstances exceptionnelles.