Faudrait-il y voir un clin d’œil du destin ? L’épopée des Lions de l’Atlas au Qatar m’évoque une anecdote qui remonte au mois de février 2017.
A la surprise générale, une académie de samba s’est inspirée du Maroc pour son défilé au carnaval de Rio. Bien lui en prit, car elle remportera le premier prix en faisant défiler 3800 personnes dans quarante costumes différents.
Sur le rythme d’une samba spécialement composée pour l’occasion, des dizaines de chars aux couleurs du Maroc défilaient avec des décors évocateurs. Des tentes berbères, les souks de Marrakech, des intérieurs de palais ou l’université de Fès étaient recréés sous les yeux du public du « sambadrome » de Rio. Cette initiative de l’académie Mocidade Independente de Padre Miguel a bel et bien fait sensation et aussi accessoirement souligné que cinq fois par semaine, des liaisons aériennes reliaient le Maroc au Brésil.
En ce sens, le déploiement international de Royal Air Maroc est en soi un élément éloquent dans la relation du Maroc au monde. Cette compagnie a fréquemment soutenu les événements culturels marocains en Tunisie et permis à des artistes de participer à l’Octobre musical ou au Festival de la Médina sous les auspices de l’ambassade du Maroc en Tunisie. On se souvient ainsi des « maalem gnaoua », des maîtres du malouf, de Ness el Ghiwan et des jeunes virtuoses classiques qui se sont récemment produits en Tunisie.
Au Maroc même, cette compagnie est un important mécène des arts et contribue à des centaines de manifestations d’envergure. De fait, pour découvrir la vitalité du Maroc, la vie culturelle est l’un des fils rouges que l’on peut choisir…
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Récemment, le Maroc accueillait le Festival international de la Mode en Afrique dont le berceau est le Niger et dont la onzième édition, celle du vingtième anniversaire, s’est tenue à Dakhla, au sud du pays.
Ce n’est là qu’une manifestation parmi des centaines, aussi originales et motivantes les unes que les autres.
Je voudrais énumérer quelques-unes de ces rencontres artistiques pour donner au lecteur un reflet de ce qui se fait au Maroc. Ainsi, le Musée Mohamed VI d’art moderne et contemporain de Rabat a récemment accueilli une grande exposition « Face à Picasso ». Des œuvres originales du grand maître espagnol ont été exposées avec, entre autres, l’appui du musée Picasso.
Pour saluer l’importance de l’événement, l’exposition avait été placée sous le triple patronage du roi du Maroc, du roi d’Espagne et du président de la République française. Quelques mois plus tard, d’avril à août 2018, le même musée a accueilli l’exposition « La Méditerranée et l’art moderne » avec des fonds du Centre Pompidou et le patronage royal marocain et présidentiel français.
Les festivals au Maroc ne sont en aucun cas des acrobaties improvisées mais une politique clairement définie et exécutée sur l’ensemble du territoire. Ces festivals sont d’ailleurs des facteurs d’équilibre dans l’aménagement du territoire et se déclinent selon plusieurs axes.
Citons par exemple les « Mawazine » de Rabat qui réunissent le meilleur de la musique arabe, africaine et internationale.
Avec en général près de 150 représentations, ce festival a pour caractéristique le fait que 90% des spectacles sont gratuits. N’est-ce pas formidable ? Citons aussi le Festival des musiques sacrées du monde qui se déroule chaque année à Fès. Ou encore le festival des musiques du monde d’Essaouira qui met les gnaouas à l’honneur et offre des grands moments de métissage culturel.
Evoquons de même Jazzablanca qui déploie ses trois scènes chaque année depuis treize ans, au grand bonheur du public. Sur un autre mode, « Orienta » est un festival d’art contemporain qui se tient annuellement à Oujda tout comme « Caftan » est un rendez-vous annuel des stylistes à Marrakech.
Le patrimoine du Sahara est aussi à l’honneur avec le Festival international des nomades à Mhamid Ghozlane, près de Zagora et surtout le Moussem de Tan Tan qui, en juillet, réunit une trentaine de tribus nomades. Cet événement est si particulier qu’il a été proclamé par l’Unesco « chef d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité ».
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Riadh à Marrakech
Les « moussem » sont des manifestations culturelles uniques, basées sur les traditions locales. Par exemple, le moussem des Hmadcha d’Essaouira permet d’entrer dans le monde de la transe d’une confrérie réputée pour ses rythmes. Pour sa part, le moussem de Moulay Idriss Zarhoun réunit, entre sacré et festif, les visiteurs autour de la tombe de ce saint personnage enterré à Meknés.
A Jadida, le moussem de Sidi Abdallah Amghar est l’un des plus anciens et des plus importants de ces rendez-vous. Depuis des centaines d’années, il réunit toutes les tribus de la région au mois d’août. Au Moyen-Atlas, le moussem d’Imilchil rassemble en septembre à Ait Ameur des milliers de visiteurs venus se plonger dans les chants et danses populaires de la région.
La liste est longue et plurielle. Le festival Timitar met à l’honneur à Agadir la culture amazighe d’hier et d’aujourd’hui alors que le Rai est célébré à Oujda pour affirmer l’ancrage de cette musique dans la région et découvrir les meilleurs artistes du moment dans ce style. Avec Jazzablanca, le Jazz au Chellah de Rabat et TanJazz à Tanger complètent l’offre pour cette expression musicale. La jeune scène urbaine avec le hip-hop ou le rap se retrouve aussi lors d’un festival spécifique qui a lieu à Casablanca.
Par ailleurs, Visa for Music à Rabat offre une plateforme dédiée aux musiques du Maroc, d’Afrique et du Moyen-Orient et vise à constituer un levier de visibilité pour le secteur.
Comme on peut le constater, cette profusion de festivals contribue largement à animer la scène artistique. Dans tous les genres, d’autres événements viennent compléter cette abondance. Le Rallye du Maroc fête ses 25 ans en 2018 et s’est disputé en mars entre Marrakech et Tanger. Pour sa part, le Rallye des gazelles a bouclé 28 éditions et reste un raid 100% féminin. Enfin, le Märathon des sables est un biais passionnant pour découvrir le Grand sud marocain.
Tous ces événements dans leur diversité témoignent d’un frémissement qui articule culture et tourisme. Il y a énormément à apprendre sur l’expérience marocaine dans ce domaine et mieux vaut tard que jamais. Pour ma part, je continue, depuis plusieurs années à découvrir les multiples facettes du royaume.
En écrivant ces quelques lignes à Dakhla, dans le sud marocain, aux confins avec la Mauritanie, je me sens plus que jamais maghrébin, c’est à dire que je perçois au plus profond de moi-même cette continuité territoriale qui fait que je suis ici toujours en Tunisie, jusqu’aux frontières du Sénégal et celles du Tchad ou du Niger.