Une des nouveautés de la 41ème édition du Festival International du Film du Caire (CIFF), qui s’est achevée il y a quelques jours, est la signature de la Charte pour l’inclusion et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel portée par le collectif 50/50 et annoncée dès la cérémonie d’ouverture du festival, avec la projection d’une vidéo relatant le rôle des femmes dans la naissance du cinéma égyptien.
Après un peu plus d’une cinquantaine de festivals de part le monde, dont ceux de Cannes, Locarno, Berlin, Venise, Toronto, Saint-Sébastien, Londres, Sarajevo, Los Angeles, Rome et New York, et voulant être un festival en conformité avec son époque et avec les valeurs qu’il prône, le CIFF est le premier festival du monde arabe à signer la Charte pour l’inclusion et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel du collectif 50/50 qui a été lancé à Cannes en Mai 2018 par l’association Le Deuxième regard et est soutenu par 300 personnalités du cinéma, aussi bien acteurs, que réalisateurs, producteurs, distributeurs et techniciens.
Ayant constaté que dans ce milieu du cinéma, il y a une très forte domination masculine, avec en plus une grande disparité des salaires et cachets, et profitant des suites de l’affaire Weinstein pour « transformer un moment en mouvement », en « dépassant le seul sujet des violences sexuelles » pour « avancer sur des mesures concrètes », le collectif 50/50 a pour objectif, en donnant les chiffres, de mettre l’accent sur ces disparités qui existent au sein de ce secteur et permettre donc une plus grande égalité entre hommes et femmes dans ce milieu.
Dans le cadre de cette charte, les festivals s’engagent à œuvrer pour la parité hommes femmes au sein de leurs équipes, y compris lors du recrutement de bénévoles, à améliorer la transparence des processus de sélections des films et à publier des statistiques à cet effet.
Pourquoi avoir pris la décision de signer cette charte? Quelle a été la motivation du festival? A part donner des chiffres, est-ce que cela aura un impact sur la programmation du festival?
Ahmed Shawky, directeur artistique du CIFF, a essayé de répondre à ces questions : « notre festival ayant des relations étroites avec la Fédération Internationale des Associations des Producteurs de Films (FIAPF), qui avec le festival de Cannes, a été derrière cette initiative du collectif 50/50, nous leur avons demandé quelles étaient les conditions pour y adhérer et nous avons appris que :
1/ concernant l’équipe de travail du festival, il fallait qu’elle comprenne au moins 50% de femmes, or nous avons découvert que chez nous le nombre de femmes est plus important que le nombre d’hommes. En effet, 70% de l’équipe du CIFF sont des femmes, et 60% de l’équipe des programmateurs sont des femmes.
2/ concernant les films, la charte demande une transparence dans les chiffres, or déjà à chaque édition, nous donnons ces chiffres, et nous n’avons aucun problème à donner le pourcentage de films réalisés par des femmes, puisque nous sommes convaincus que les femmes, aussi bien dans le monde arabe qu’ailleurs, font de très bons films.
Je ne pense pas que cette signature changera quelque chose dans le choix de nos films, parce que de toute façon notre priorité absolue est la qualité. Avant tout au CIFF, nous programmons de bons films, mais il est évident que nous accorderons plus d’importance à ce critère de parité. De toute façon, avec le nombre croissant de réalisatrices depuis quelques années, logiquement la programmation du nombre de films réalisés par des femmes augmentera. Nous ne le ferons pas exprès, mais cela se fera spontanément ».
Réponse d’ailleurs confirmée par le président du festival Mohamed Hefzy lui-même, qui insiste sur le fait que la qualité des films sera toujours le seul critère de sélection, mais d’après lui, savoir qu’il faudra publier les chiffres jouera un rôle psychologique et à qualité égale, le choix se portera inconsciemment sur les films réalisés par des femmes pour arriver à réaliser cette parité hommes femmes.
En réalité la signature de cette charte n’est pas étonnante de la part du CIFF, dont le logo représente la déesse Isis, et qui a montré au fil des années qu’il respectait les femmes et s’intéressait même à promouvoir leurs droits.
En effet, par exemple lors de l’édition 2017, le CIFF avait pris part à la «Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et en collaboration avec le Conseil National de la femme et le bureau des Nations Unies de la femme en Egypte, avait participé au lancement d’une campagne médiatique pour faire connaitre cette journée orange à travers les activités du festival et pour insister sur le rôle positif que pourrait jouer l’industrie du cinéma dans l’élimination de la violence envers les femmes en Egypte et dans le monde.
Pour cette 41ème édition, l’unique film égyptien en compétition internationale, et qui d’ailleurs a remporté le Prix du Public Youssef Cherif Rizkallah, était Let’s talk, réalisé et produit par Marianne Khoury, donc par une femme.
Delphyne Besse, membre fondateur du Collectif 50/50 a déclaré: « Nous sommes extrêmement heureux que le Festival du Caire ait décidé de signer la charte, montrant ainsi son attachement à la question de l’égalité et de l’inclusion dans le Région arabe. Nous espérons que de nombreux autres festivals de la région suivront leur exemple. »
Peut-on espérer que les Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) seront les prochains à signer cette charte? Après tout, la Tunisie est censée être le pays le plus avant-gardiste en ce qui concerne les droits des femmes!
Neïla Driss
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