Depuis une dizaine d’années, je suis un rituel chaque jour d’Aid. Ainsi, je ne manque jamais de me rendre au centre-ville de Tunis au milieu de la matinée.
J’y profite d’un calme extraordinaire, quasiment surréaliste. Les avenues, toutes les rues sont complètement vides, désertes, comme abandonnées.
Je profite de ces moments pour regarder la ville au plus profond de ses yeux, observer chaque monument, plonger mon regard dans mille et un détails invisibles.
Cette promenade matinale de l’Aid est devenue pour moi un véritable repère, un temps personnel durant lequel je pèse aussi le passage des années.
Je commence invariablement ma promenade, à la sortie du cimetière du Jellaz après un dialogue silencieux avec les morts, la perception de leur présence immanente et une prière silencieuse pour le repos des âmes.
Ensuite, je me place tout au bout de l’avenue de Carthage, quasiment au pied de Sidi Belhassen. De là, je peux clairement voir la place Pasteur tant les boulevards sont dégagés.
Je remonte ensuite les grandes avenues jusqu’au Belvédère dont j’arpente quelques allées ombragées, aussi sereines que les rues habituellement bondées.
Puis je reviens vers le centre en traversant Lafayette et Le Passage. Un rituel que je n’abandonnerais pour rien au monde.
Un temps de silence et de contemplation d’une ville qui se dérobe à mes yeux tous les autres jours.
Comme de vieux amants qui se retrouvent, la ville et moi sommes alors en pleines effusions, entre regards nostalgiques et patines qui se creusent.
Passent alors les heures et, comme on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, c’est une ville différente qui se réveille ensuite lorsque les premiers badauds reviennent la peupler…
H.B.