Il fut un personnage magique, une sorte d’illuminĂ© qui hantait les rues et les cafĂ©s, cultivant la bonne humeur et faisant appel Ă la charitĂ© des rieurs pour rĂ©unir quelques centaines de millimes.
Dans la petite histoire du faubourg sud de Tunis, Dardouri est un incontournable. Son territoire était variable et on pouvait le retrouver du côté des trois portes, aussi bien à Bab Djedid, Bab Menara ou Bab Jazira.
Tout de vert habillé, souvent hirsute, avec son incroyable bicyclette et ses accessoires si nombreux, il mettait un grain de folie dans les rues.
L’homme Ă©tait cultivĂ©, parlait un français châtiĂ© et connaissait par coeur de nombreuses sourates et hadiths.
Il pouvait se lancer dans la dĂ©clamation d’un poème de Hugo ou exhorter l’assistance Ă la prière.
En dialecte tunisien, nous dirions qu’il fut un « dĂ©rouiche » pour souligner qu’il Ă©tait Ă la fois le fou et le sage, qu’il pouvait vous surprendre par une maxime, une pensĂ©e profonde ou un trait d’humour.
Dardouri était une sorte de Diogène qui, au lieu de son baril, aurait choisi un vélo et sillonnerait les rues.
N’hĂ©sitant pas Ă interpeller les reprĂ©sentants de la loi, il n’avait peur de personne et sa folie supposĂ©e devenait un vĂ©ritable rempart pour quiconque voudrait rĂ©primer sa libertĂ©.
Parfois, il provoquait de véritables attroupements sur la voie publique et se lançait dans des diatribes sans concession.
Il se faisait appeler « D’Art Doux Rit », distribuait des tracts imprimĂ©s sur du papier de couleur verte et invitait tout le monde Ă un peu plus de foi et de poĂ©sie.
Depuis longtemps, Dardouri n’est plus mais son Ă©cho demeure Ă la confluence des quartiers du faubourg sud. Et c’est sĂ»r que lui, l’artiste, rit en douceur après une vie facĂ©tieuse oĂą il a cultivĂ© l’imprĂ©visible…
Qui se souvient encore de Dardouri?
