Plusieurs voix se sont levées depuis hier pour appeler à l’instauration d’un couvre-feu. Il s’agit de simples individus s’exprimant sur les réseaux sociaux, de personnalités, d’associations et même de partis politiques.
Tous appellent à mettre en place un couvre-feu après deux nuits chaudes qui ont vu, sous couvert de protestations, de nombreux actes de violence, vandalisme et pillage être perpétrés.
Ces appels seront-ils entendus par le pouvoir exécutif ? En toute hypothèse, ils ne le seront probablement pas. Plusieurs facteurs plaident en effet en défaveur d’un couvre-feu, fût-il limité.
En effet, la première hypothèse de travail des sécuritaires consisterait à organiser un couvre-feu dans les régions précises où les troubles enregistrés auront été les plus importants.
Cela permettrait de circonscrire partiellement les dégâts et poserait un problème difficile à résoudre pour les casseurs dont certains auraient été payés pour leurs faits de violence.
Toutefois, ce type de mesure pourrait aussi pousser les casseurs à défier les forces de l’ordre en tentant de briser le couvre-feu. Hypothèse d’école, il est vrai mais prise au sérieux car l’effet médiatique obtenu par les casseurs revient à transformer en émeute des échauffourées provoquées.
Il semble bien que les casseurs sont très organisés et sont clairement préparés à mettre des bâtons dans les roues des forces de l’ordre. Ils agissent selon des procédures similaires un peu partout et n’ont aucun autre objectif que la casse et l’instrumentalisation des médias pour laisser penser que la situation est quasiment insurrectionnelle.
Cet effet grossissant provoqué par les médias et les réseaux sociaux est actuellement une arme entre les mains de ces pillards qui cherchent à précipiter l’instabilité en laissant croire qu’ils contrôlent le terrain dès la nuit tombée.
Les pouvoirs publics ont décrypté ce jeu malsain et les services de renseignement savent exactement de quoi et de qui il s’agit et la riposte est actuellement en cours de déploiement.
Ces différents points constituent le premier facteur qui plaide contre le couvre-feu.
Le second facteur est induit. En effet, la tactique des casseurs est justement de pousser à l’instauration d’un couvre-feu qui sera ensuite instrumentalisé pour clamer la faiblesse des pouvoirs publics et aussi la légitimité des « protestations ».
De fait, la nuit, il n’y a pas eu de protestataires qui ont manifesté. Ce sont seulement des casseurs qui se répartissent les rôles avec une première vague faisant mine de manifester contre la cherté de la vie et d’autres vagues qui s’attaquent aux biens publics et privés en bénéficiant de cette couverture.
Enfin, dans la crainte d’une bavure qui pourrait entraîner des conséquences graves, les forces de l’ordre respectent scrupuleusement les règles d’engagement et occupent le terrain.
Largement démasqués, les fauteurs de troubles tentent d’endosser les habits respectables des protestataires dont la colère est légitime. Mettre en place un couvre-feu dans ces conditions reviendrait à attiser le feu mensonger qui couve et donner des ailes aux casseurs qui attendent ce scénario pour redoubler d’ardeur.
Enfin, l’évaluation de la situation et les tentatives séditieuses clairement identifiés sont aussi de nature à éviter un couvre-feu. Reste aux partis politiques, aux organisations de masse et aux corps constitués de trouver les voies de sortie de crise et, en ce sens, il n’est pas impossible que certaines mesures contestées soient atténuées ou simplement annulées.
L’UGTT vient de donner l’exemple en pointant du doigt les casseurs tout en affirmant la légitimité des protestataires. En outre, le grand syndicat ouvrier a appelé le gouvernement à adopter d’urgence des mesures en faveur des plus fragiles.
En tout état de cause, un couvre-feu instauré trop vite viendrait annihiler les efforts réalisés en plusieurs mois, donnera de l’eau au moulin des casseurs et mettrait le gouvernement dans une posture difficile.
Ainsi, le scénario le plus envisageable aujourd’hui est celui d’une reprise en main du terrain et de mesures simultanées pour apaiser la grogne légitime née après le vote de la Loi de finances.