TRIBUNE – Le pèlerinage traditionnel juif à la Ghriba, à Djerba, lieu de culte célèbre dans le monde entier, a soulevé, cette fois-ci, un véritable tollé auquel personne ne s’attendait.
Pourtant, ni sous Bourguiba ni sous Ben Ali et à plus forte raison sous la «Troïka», il n’y a jamais eu de contestation à son sujet. Même les faucons d’Ennahdha et autres extrémistes salafistes n’ont levé le petit doigt pour contester la présence de ces visiteurs d’origine juive débarqués d’Europe. C’était comme «halal» !
Dès lors, quelle mouche a piqué certains de nos députés pour s’emparer de l’affaire et attaquer au vitriol la jeune ministre du Tourisme et celui de l’Intérieur ? Une politisation de mauvais aloi et malvenue. Car, actuellement, notre tourisme est en train d’agoniser. Et ils veulent, aujourd’hui, l’enterrer définitivement, omettant au passage qu’il s’agit là d’un secteur-clé de notre économie. Ne dit-on pas quand le tourisme -qui fait vivre directement et indirectement des millions de personnes- marche tout marche dans le pays ?
Ceux qui s’opposent au pèlerinage de Djerba oublient que les grands tours opérateurs internationaux, de véritables trusts, sont entre les mains des Juifs. Et lors de la guerre dite des «Six jours», en juin 1967, opposant Israël à l’Egypte, la Jordanie et la Syrie, ces tours opérateurs avaient décidé d’exclure le monde arabe de leurs différents programmes. Ce fut partout la disette y compris chez nous.
Pour la petite anecdote : à l’époque, un de nos ténors hôteliers soussien débarqua illico presto à Londres où il se fit passer près des patrons des tours opérateurs pour, tout bonnement, un «Juif». Cela lui a permis de remplir, comme il se doit, ses établissements, alors que ses concurrents hôteliers délaissés se tournaient les pouces.
Les députés et les leaders en herbe qui font monter les enchères qu’ont-ils à présenter comme alternative à leur politique d’exclusion des Juifs étrangers à visiter notre pays ? Il n’y a pas longtemps encore, on a empêché qu’un grand navire ayant à son bord plus de trois mille croisiéristes puisse faire débarquer, à La Goulette, un groupe d’une quinzaine d’Israéliens. Conséquence : la direction de ce paquebot, battant pavillon américain, a décidé de rayer de son périple l’escale de Tunis. Qui est, donc, le perdant ?
Si on veut, vraiment, retrouver notre place dans le tourisme méditerranéen et atteindre le chiffre de sept millions de visiteurs, souhaité pour cette année, il ne faut plus jamais mêler la politique aux autres domaines aussi bien ceux de la religion, du tourisme que du sport, par exemple. Ce sont des bourrasques inutiles et qui peuvent se révéler ruineuses. Ecorcher l’image séculaire de la tolérance religieuse de la Tunisie, qui a été de tout temps ouverte au monde extérieur, est un véritable crime…
Laissons, donc, les spécialistes, chacun dans son secteur, travailler d’arrache-pied pour faire sortir le pays, asphyxié économiquement et financièrement, des affres des insuffisances. Faire entrer le maximum de devises, c’est cela qui compte le plus aujourd’hui et demain !
*** *** ***
Un mot sur le kidnapping de nos deux diplomates en Libye que les ravisseurs veulent échanger contre la libération de six adjoints d’Abou Yadh, chef d’Ansar Chariaâ. Une tentative supplémentaire d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique, pour essayer de déstabiliser la Tunisie, malmenée de partout.
A ce propos, il ne faut jamais abdiquer face à ces sanguinaires. Un Etat qui cède une fois, cédera toujours à l’avenir et perdra ses fondements et sa légalité…
Par contre, il faut faire pression sur ce qui reste des autorités à Tripoli pour qu’elles serrent la vis aux ravisseurs. Il faudrait, aussi, profiter de l’expérience des autres Etats dans ce type de drame. La France, par exemple, est bien placée pour nous donner un coup de main, elle qui a connu tant de faits et de méfaits liés aux enlèvements de ses ressortissants en Afrique.
Dans ce type de drame, au dénouement généralement à long terme, il faut faire preuve de patience, une longue et dure épreuve à prévoir. L’important est de garder son sang-froid face à des ravisseurs sans scrupules, se mouvant dans un Etat libyen fantoche. Car, la Libye -et c’est dommage- est en train de s’enfoncer dans un abîme sans fond !
M’Hamed Ben Youssef