Les grandes (ou basses) manœuvres dans le camp nidaiste en vue de 2019 ont commencé avec le déclenchement d’une nouvelle crise de Nidaa Tounes qui a pris au début de la semaine dernière, une autre dimension. Elle peut être assimilée à une véritable opération de reprise en mains, une sorte de rébellion contre la mainmise de Hafedh Caied Essebsi (HCE) sur le parti, ou sur ce qui en reste !
Après avoir été larvée, cette guerre est devenue ouverte depuis l’attaque frontale de Youssef Chahed (YC) contre le rejeton du président accusé d’être derrière la dégradation continue de l’œuvre de son père privant le pays d’un parti capable d’assurer l’équilibre du paysage politique. Le chef du gouvernement répliquait ainsi à HCE qui œuvre sans répit à son départ et à un changement complet et total du gouvernement.
Mais, YC n’est pas demeuré les bras croisés. Il a commencé à utiliser au mieux les atouts à sa disposition. Il a réalisé un véritable travail de sape auprès des « nidaistes » au sein des institutions auxquelles il a accès : son propre gouvernement et les députés au sein de l’ARP. Il s’est assuré la fidélité totale de ses ministres « nidaistes » qui doivent, en réalité leur place à HCE, qui les avaient sponsorisés, à l’époque.
Mais, l’attraction de la fonction semble être plus forte et plus déterminante que l’appartenance ou la discipline partisane. Il a, ensuite, réussi à percer au sein du bloc parlementaire de Nidaa Tounes dont certains députés, surtout après le lâche attentat terroriste d’Ain Soltane, sont sortis de leur réserve exigeant le maintien du gouvernement et la consolidation de Youssef Chahed à son poste.
Cette première « salve » lâchée par l’ancien fidèle compagnon de HCE, le « sulfureux » président du bloc parlementaire Sofiène Toubel, a été suivie par la publication, de la part d’une dizaine de membres du comité politique d’un communiqué dans lequel elle s’est appropriée deux rôles. Ce comité s’est d’abord adjugé la fonction exécutive en « usurpant » la gestion de Nidaa Tounes et en décidant sa gestion d’une manière collective. Ensuite, il a annoncé l’organisation du futur congrès du parti pour les 29 et 30 septembre prochain tout en désignant, en même temps, son nouveau porte-parole, Ons Hattab.
En fait, YC et de HCE sont conscients que leur survie politique est tributaire du contrôle de Nidaa Tounes malgré tous ses avatars. En effet, Youssef Chahed sait, pertinemment, que sans un appareil partisan, même affaibli, mais maîtrisé, il n’aurait aucune chance lors des échéances électorales futures, à moins de devenir le candidat des Islamistes, ce qui ne serait guère surprenant.
Alors que Hafedh Caied Essebsi sait, lui-aussi, qu’il n’aura plus aucun avenir politique si jamais il ne dispose plus ou ne figure plus au sein de Nidaa Tounes. Le Chef du gouvernement exploite sa fonction à la tête de l’Etat pour asseoir sa domination sur son proche entourage, alors que HCE sonne le rappel, y compris de ses « ennemis d’hier » et ceux qui avaient quitté le parti pour d’autres horizons.
Mais, et indépendamment de ce duel fratricide qui contribue à l’aggravation de la confusion politique et de l’immobilisme gouvernemental, il est impérieux que Nidaa Tounes fasse sa mue s’il ne veut pas être complètement laminé lors des prochaines élections. Il est nécessaire qu’il réussisse à se transformer sur de nouvelles bases, celles qui lui avaient permis de réunir autour de lui au passé une majorité de Tunisiens.
Autrement dit, sa reconstruction est devenue une urgence historique. Hafed Caied Essebsi doit comprendre, à moins qu’il n’aille devant un suicide politique, que le salut passe par une restructuration du parti sur des bases démocratiques. Un congrès organisé conformément aux règles et tournant autour des principes fondateurs du parti : l’instauration d’une société moderne, d’un Etat laïc et d’une démocratie sociale, et, la fin du compromis hypocrite avec les Islamistes, pourrait de nouveau créer une nouvelle dynamique autour du parti dans la perspective des échéances futures.
Mais, cette bataille, aujourd’hui, autour de ce fantôme appelé Nidaa Tounes pourrait peut-être prendre fin à la faveur d’une intervention décisive de son fondateur, Béji Caied Essebsi…
L.L.
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