Prévue vendredi 18 août, la première séance de travail (5 + 5) entre le bureau exécutif de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et le gouvernement, concernant les négociations salariales dans le secteur et la fonction publics, a été reportée sine die !
Ça commence par un trébuchement. Alors que les observateurs se sont félicités de la rencontre de la Kasbah qui avait réuni, il y a de cela une dizaine de jours, la Cheffe du gouvernement Najla Bouden, le Secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, et le patron de l’UTICA, Samir Majoul, rencontre dont la tenue prenait acte de prélude à un dialogue constructif et transparent, cette première séance de travail a été reportée, à la surprise générale, à une date indéterminée.
Pacte social sur fond de crise financière !
Si la Centrale syndicale a qualifié la demande de report émanant de la présidence du gouvernement de « surprenante », nous, de notre part, pensons qu’il n’y a rien de déconcertant à cela, compte tenu des prémices d’un blocage qui était fort envisageable dès le départ. Notre réserve tient du fait que cette réunion, qui vient une semaine après l’entretien accordée par Bouden à Taboubi, ne présentait pas toutes les garanties pouvant aplanir les difficultés quant aux négociations salariales.
Le gouvernement et la partie syndicale sont-ils allés trop vite en besogne ? Oui, sans doute en rapport, surtout, avec les prédispositions du gouvernement. Ce dernier a-t-il les moyens, financiers, cela va sans dire, pour satisfaire les demandes actuelles de l’UGTT quant à une revalorisation salariale dans une conjoncture marquée par un déficit budgétaire récurrent ? Le timing d’une telle rencontre n’était-il pas, à bien des effets, mal choisi par le gouvernement au moment où les négociations avec le FMI sont à leur point culminant, et que le document envoyé par la Tunisie au FMI, présentait la question du gel des salaires dans la fonction publique comme étant irréversible ?
Bouden et son équipe se sont-ils ravisés à temps pour, d’une part, ne pas électrocuter les démarches quant à un nouveau programme d’aide avec le FMI et pour, d’autre part, préparer une réponse qui, à défaut de satisfaire dans l’immédiat la partie syndicale, justifie le report de la question des salaires à plus tard, quand l’accord du FMI devient effectif ?
Ceci dit, si ces supputations justifieraient la volte-face du gouvernement, il n’est pas étonnant que l’entretien qui s’est déroulé, en cours de semaine, entre le président Kais Saied et Bouden ait poussé cette dernière et son équipe à changer leur fusil d’épaule. Le président avait insisté à cette occasion sur la nécessité que les revendications, plutôt que de revêtir une dimension sectorielle doivent privilégier l’intérêt de la nation. Va-t-on assister, dès lors, à un retour de tension entre l’UGTT et le gouvernement après une période d’accalmie relative ? L’avenir nous le dira.
Les actions qui urgent…
Si nous comprenons, à juste titre, la position du gouvernement de ne pas mettre la question de la revalorisation salariale dans ses priorités, nous sommes, dans le même temps, convaincus que cela ne saurait être un alibi pour rompre toute négociation avec la partie syndicale, même si concrètement elle n’aboutirait pas à quelque chose de concret.
« Dans toute négociation, mieux vaut être l’argument que le pinaillage » ! Cette citation de Claudemay devrait, à notre sens, dessiner les contours du futur dialogue entre les deux parties, un dialogue qui priorise l’urgence et optimise l’alternance, selon les échéances.
L’urgence de créer des emplois pour les diplômés du supérieur, l’urgence de freiner l’inflation qui est en train de tout emporter sur son chemin, l’urgence de libérer l’entrepreneuriat, de faciliter les procédures de création des projets pour les sans-emplois, l’urgence de valoriser le travail agricole et de maintenir les populations rurales dans les régions, l’urgence de construire des logements sociaux, l’urgence d’améliorer les services publics pour rendre moins difficile le quotidien du citoyen lambda.
A l’évidence, prioriser les actions urgentes ne veut aucunement dire travailler dans l’urgence quitte à faire l’amalgame entre les vraies et les fausses urgences ou du moins les urgences relatives. Pour cela, le gouvernement est appelé à hiérarchiser les tâches, à organiser son temps, et apprendre à demander de l’aide quand il se trouve dans une impasse. Ne dit-on pas qu’ « Il n’est point d’impasse là où on peut faire marche arrière ».
Chahir CHAKROUN