Paris – Dans une semaine, le 20 mars 2013 à 11h, un buste de Bourguiba viendra trôner au cœur de l’esplanade Bourguiba à Paris. Cette esplanade voulue par la Ville de Paris avait été inaugurée il y a déjà quelques années en hommage au premier président de la République tunisienne. Quant au buste qui sera dévoilé mercredi prochain, il trouve son origine dans une nouvelle initiative de la Ville de Paris dont le maire Bertrand Delanoë entend, de la sorte, souligner sa fidélité à la Tunisie.
La cérémonie sera donc officielle et chic, avec de nombreux invités faisant le déplacement depuis la Tunisie. Rachida Dati sera également de la partie. Et peut-être même quelques manifestants pro et anti Bourguiba qui devraient venir donner de la voix pour gâcher ou renforcer la fête selon leurs opinions respectives.
En fait, cette initiative de la Ville de Paris a tout d’une mauvaise bonne idée. Tenant à honorer Bourguiba, Delanoë va jusqu’au bout de ses intentions tout en prenant position dans le débat tunisien concernant le « père de la nation ».
En effet, Bourguiba reste une personnalité controversée en Tunisie où les islamistes au pouvoir lui tournent le dos avec dédain alors que la gauche et les syndicats lui reprochent la répression dont ils furent victimes et l’instauration d’une dictature policière doublée d’un véritable culte de la personnalité.
D’autre part, cette initiative parisienne semble être perçue dans certains milieux comme soulignant une étonnante reconnaissance française au premier président tunisien. Est ce parce qu’il aurait servi les intérêts de la France qu’il est aujourd’hui célébré ? Est-ce parce qu’il fut le premier opposant à l’islamisme politique ? Est-ce pour les nombreuses purges et répressions dont le peuple tunisien a été victime pendant sa présidence a vie ?
La question est d’autant plus complexe que ce « vote » bourguibien de Paris semble aussi donner des allures pro-françaises à toute l’opposition proche des thèses du premier président tunisien. De quoi faire revenir au premier plan, cette agaçante question du Hezb França dont les islamistes agitent sans cesse l’épouvantail. Et en ce sens, il serait intéressant de savoir si des politiciens tunisiens seront présents à cette cérémonie et lesquels. Notons que l’ambassadeur de Tunisie en France sera bien présent lors de cette cérémonie.
Bien entendu, beaucoup de Tunisiens se réjouissent de l’initiative de Bertrand Delanoë. Pour eux, Bourguiba est le fondateur de l’Etat tunisien, le chantre de la modernité et l’émancipateur de la femme. Son bilan serait ainsi plutôt positif et l’absoudrait des erreurs commises. De nombreux Tunisiens se félicitent de cette nouvelle initiative du maire de Paris qu’ils soutiennent résolument.
Toutefois, dans la communauté tunisienne, les avis sont mitigés. Les plus jeunes ne connaissent pas Bourguiba, les plus anciens sont partagés. Une voix résume bien tous ces tiraillements en soulignant que » pour éviter les tiraillements, il eut été plus judicieux de créer un bronze en hommage au peuple tunisien, au delà des aspects staliniens de Bourguiba et au delà aussi des clivages politiques actuels ».
La cérémonie prévue le jour anniversaire de l’indépendance de la Tunisie promet de faire couler de l’encre. Ce qui par contre est sûr, c’est que Delanoë vote Bourguiba!
