Le projet de loi organique relatif aux élections en Tunisie, prévoirait la constitution d’une garantie financière à fournir par les candidats qui désirent se présenter aux élections présidentielles. Au cas où le candidat obtiendrait plus de 3% de voix, le cautionnement lui sera restitué sinon, il le perdra à jamais.
A notre connaissance, la plupart des pays dans le monde, aussi bien en Occident qu’ailleurs, ne prévoient pas cette condition qui rappelle la procédure de soumission au marché public où le soumissionnaire doit produire une caution pour garantir la conclusion et la bonne exécution du marché.
Parmi les propositions avancées, le projet de loi électoral pourrait prévoir, selon les concepteurs que cette condition vise à garantir le sérieux des élections. En d’autres termes, le but recherché est de limiter les candidatures à ceux qui sont assurés de pouvoir remporter plus de 3% de voix en mettant en gage le cautionnement requis.
Cependant, perçu sous un autre angle, cette condition est une manière de présélectionner les candidats sur la base de «l’argent politique». Ainsi, seules les personnes ayant directement ou indirectement les moyens nécessaires pour fournir le montant requis peuvent présenter leur candidature aux élections présidentielles.
S’ils ne sont pas hommes d’affaires ou des richards, ils doivent être soutenus par des partis politiques ou des hommes et femmes disposés à leur permettre de satisfaire à cette exigence financière. Les autres citoyens sont «condamnés» à ne pas s’aventurer sur le terrain des présidentielles.
Sur le plan éthique et constitutionnel, la condition n’est pas acceptable car elle établit une discrimination axée sur les capacités financières. En effet, le nouveau texte fondamental de l’Etat dispose que l’éligibilité aux différents scrutins appartient à tout citoyen majeur disposant de ses droits civiques et politiques. De ce fait, l’adoption du projet dans ses dispositions précitées pourra être remise en cause en raison de sa non-conformité avec la constitution.
L’inconstitutionnalité du projet pour non-respect du principe de l’égalité entre citoyens sera criarde lorsque le montant du cautionnement requis sera élevé au point de favoriser les candidats issus de la classe des bourgeois et de milieux aisés au détriment des classes moyennes et des moins nantis.
Si pour éviter la discrimination, le législateur fixe un montant que tout candidat pourra avancer, indépendamment de l’appartenance politique et sociale, le but recherché risque de ne pas être atteint dès lors où la condition ne sera pas un véritable sacrifice financier.
A noter, enfin, que le sérieux des élections présidentielles dépend de l’existence d’une assise populaire et non d’un électorat potentiel qui ne saurait être apprécié au moment de la candidature. Pour s’en assurer, la loi dans les pays démocratiques exige une qualité politique, une ancienneté à la tête d’un Parti régulièrement constitué et/ou le parrainage par un certain nombre de parlementaires, d’élus locaux ou d’inscrits sur les listes électorales.