Depuis 2011 et son émergence sur la scène publique, la gauche tunisienne, symbolisée par des partis comme les Patriotes Démocrates, le POCT et autres formations, est sortie à la lumière réussissant à conquérir quelques places parmi les élus notamment à l’Assemblée Nationale Constituante, mais tout en demeurant restreinte à une élite malgré un discours qui prétend défendre les intérêts populaires.
Le lâche assassinat de Chokri Belaid lui a donné des ailes, lui permettant de conquérir une réelle popularité renforcée à l’époque par la naissance du Front Populaire qui a réussi à réunir les multiples courants qui forment cette gauche, et à former une sorte d’union sacrée surtout après le second assassinat politique ayant touché Mohamed Brahmi, qui l’avait rejoint.
Les élections de 2014 lui accordent un rang acceptable sans pour autant qu’il soit conforme à sa longue histoire de militantisme et les sacrifices des générations précédentes. Des partis créés de nulle part à l’instar d’Afek Tounès ou de l’UPL, qui ne représentent rien ni idées ni couches sociales, ont réalisé presque les mêmes scores, un peu plus ou un peu moins !
Le dernier congrès du Mouvement des Patriotes Démocrates Unifié a débouché sur une « fronde » menée par Mongi Rahoui. Celui-ci semble vouloir faire bouger les choses. Ses dernières déclarations sont claires à ce sujet.
Il n’a pas hésité à considérer le discours du Front Populaire comme étant éculé, l’image de Hammam Hammami, « l’intouchable », usée et dépassée, et a appelé à pratiquer la démocratie au sein de son mouvement, et à donner un nouveau contenu tant au discours qu’à son contenu.
Mongi Rahoui tire ici probablement ses conclusions de son expérience politique pratique avec trois années au sein de l’ANC puis et depuis deux ans, en tant que député à l’ARP. Ayant été pressenti à un poste ministériel dans le gouvernement Chahed, Mongi Rahoui, tenté dans un premier temps de franchir le pas, s’est rapidement rétracté devant le flot de critiques qui s’est abattu sur lui par ses « camarades » du Front Populaire.
Cette « ouverture » de Mongi Rahoui devrait être utile à la gauche tunisienne. Celle-ci se retrouve au milieu d’un pari vital : celui de se moderniser, de faire sa propre révolution, d’affiner son discours dirigé vers l’opinion publique ; ou carrément de rentrer dans les rangs voire de disparaitre et de voir disparaitre ce rêve d’un grand parti démocratique et populaire.
Le discours systématiquement négatif ne fait plus recette et n’a plus aucune emprise sur les classes populaires, et plus généralement sur les électeurs. Bien au contraire, il est même devenu agaçant et l’opinion publique est même échaudée par les slogans creux que Hamma and Co lui adresse.
Le pragmatisme politique ne signifie pas le renoncement à ses principes ou à ses idées, mais une adaptation intelligente à un contexte et à une conjoncture déterminée. C’est cette exigence que la gauche doit saisir aujourd’hui…
L.L.