"La Caisse de compensation profite aux contrebandiers, aux riches, aux touristes et aux étrangers résidant en Tunisie"

"La Caisse de compensation profite aux contrebandiers, aux riches, aux touristes et aux étrangers résidant en Tunisie"
Tunis-Hebdo
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En 2011, le budget de la Caisse de compensation sociale (CCS) était de l’ordre de 1 milliard de dinars. En 2019, il est passé à 4,350 milliards. Mais la question qui s’impose : à qui profite, réellement, cette caisse ?
Le système de compensation a pour objectif la maîtrise des prix des produits de base, notamment les produits céréaliers, et ce, en vue de pallier les augmentations des prix. Beaucoup de familles se nourrissent, en effet, de pâtes alimentaires et de pain exclusivement. En clair, l’Etat subventionne certaines denrées qui sont vendues moins cher que leur coût de revient. C’est en quelque sorte une mesure de solidarité nationale. Actuellement, cette subvention couvre les produits céréaliers, le sucre et les huiles végétales. Des produits extrêmement calorifiques et nourrissants, censés profiter à des catégories de ménages à revenu faible, comme les habitants des zones rurales. Mais alors que le taux d’accroissement annuel moyen de la subvention est aux alentours des 4%, la consommation privée s’est accrue à un rythme de 6% par an depuis 1986. Un paradoxe économique puisque selon l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES), le pouvoir d’achat du Tunisien s’est détérioré de 40% à cause de la dépréciation du dinar qui a perdu, depuis 2014, 60% de sa valeur. Moins le Tunisien a d’argent, plus il consomme ! Aujourd’hui, la Caisse de compensation est au cœur du débat social. L’Organisation tunisienne d’orientation du consommateur (OTOC) encourage, de ce fait, le gouvernement à verser directement sous forme de revenus mensuels les montants destinés à soutenir les prix de certaines denrées, tout en maintenant une subvention pour les produits de première nécessité. Moez Joudi, économiste, a bien voulu nous éclairer sur l’état actuel de la Caisse générale de compensation : «La Caisse de compensation existe depuis les années 70. Elle est confrontée néanmoins à beaucoup de problèmes. Son budget a, considérablement, augmenté depuis 2011 à cause de la hausse du prix du baril de pétrole et la dévaluation du dinar. À qui profite-t-elle véritablement ? Aux contrebandiers qui vendent les denrées subventionnées en Algérie et en Libye. Elle profite, également, aux personnes qui ont un salaire supérieur à 2000 dinars par mois. Ces gens achètent le carburant et des produits subventionnés au même prix que ceux qui n’en ont pas les moyens et, cela, au détriment du budget de l’Etat. C’est un aspect qu’il faut, de toute urgence, revoir. Sachez que seulement 12% du budget total de la caisse sont utilisés à bon escient ! De l’autre côté, on a des producteurs qui font faillite parce qu’on les oblige à maintenir leur prix de vente alors que leur coût de production a augmenté. Ne pouvant plus payer les charges, ils abandonnent ! Ils vendent ainsi leurs cheptels aux Algériens à 15.000, voire 20.000 dollars !» Ezeddine Belhadjali, banquier, nous dresse un portrait peu flatteur de cette caisse : «Pour rappel, la CCS a été créée dès les premières années de l’indépendance dans le noble but d’aider les familles modestes. Mais depuis les années 90, les vautours ont trouvé le bon filon pour faire fortune (marché noir). Actuellement cette caisse est devenue un fardeau budgétaire et les riches en profitent à fond !» Néji Jelloul, directeur de l’ITES, nous présente les mesures qui doivent être mises en place pour rétablir un équilibre économique entre les consommateurs : «La Caisse de compensation bénéficie, à l’heure actuelle, aux riches, aux touristes et aux étrangers installés en Tunisie. Le lait, les œufs et la mhamssa profitent à la contrebande ! Le projet sur lequel nous travaillons est l’élaboration d’une carte magnétique qui sera donnée aux familles pauvres afin de réduire la circulation fiduciaire et les charges, de plus en plus lourdes de la CCS pour qu’elle puisse, enfin, bénéficier aux ayants droit.»

Mohamed Habib LADJIMI Tunis-Hebdo du 04/03/2019




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