Cauchemars d’un salarié sans salaire ! - par Adel Lahmar

Cauchemars d’un salarié sans salaire ! - par Adel Lahmar
National
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Depuis qu’un responsable gouvernemental a parlé des difficultés qu’aurait l’Etat à payer ses fonctionnaires, je n’arrive plus à dormir. Et si, par hasard, je dors, je fais des cauchemars. Que peut faire un fonctionnaire sans salaire ? Déjà, avec mon salaire, je ne peux rien faire, vous le savez bien. Que dire alors si je suis privé de mes appointements ? «This is the question», comme disait un certain Hamlet, qui, lui, avait au moins le choix entre «to be» et «not to be». Contrairement à ce prince danois qui, par ailleurs, n’aurait pas de problème d’argent mais plutôt un malaise existentiel, je n’ai, devant moi, aucune voie de salut. En effet, pour le salarié sans salaire que je suis, (tiens, cela me rappelle «barbu sans barbe» de Salvatore Adamo) l’éventail des solutions n’est vraiment pas très large. Vivoter sur mes économies, Allons donc ! Je n’en ai point. Sans être communiste, je suis toujours au rouge, et mes crédits qui ne finissent jamais, ne font qu’approfondir davantage le trou persistant dans mon budget et qui, soit dit en passant, me rappelle les nids de poules parsemant nos routes et nos rues. Vendre ma vieille 4 CV «Chaâbiya» ? Mais qui l’achètera donc, si mes semblables de fonctionnaires moyens sont, aujourd’hui, incapables d’être les potentiels acquéreurs d’une voiture dite populaire ? Quant à mes concitoyens aisés, et il y en a, ils n’ont que faire d’un tacot qui semble avoir perdu la moitié de ses chevaux, (et moi tous mes cheveux, ce qui n’a vraiment rien à voir avec notre sujet, je vous le concède). Chercher des petits boulots à droite et à gauche ? Ce n’est plus de mon âge, je l’avoue. Et puis, mon honneur de fonctionnaire, même sans salaire, ne me permet pas d’accepter une telle auto-humiliation. Mais la vérité, et je ne vous le cache pas, est que je ne sais rien faire de mes dix doigts, sauf tenir un stylo ! Je pense, à un certain moment, à l’UGTT. Mais la centrale syndicale, rompue certes aux revendications salariales, s’avoue impuissante face à cette situation nouvelle où, en fait, il n’y a rien à revendiquer. Que peuvent les grèves, en effet, face à la faillite de l’Etat ? En désespoir de cause, je me tourne, comme plusieurs de mes compatriotes qui ont eu la même idée que moi, vers les trois présidences. Lesquelles ? Celles que vous savez, bien sûr, il n’en y a pas d’autres ! Mais à Carthage, comme au Bardo et à la Kasbah, nous recevons la même réponse: les trois présidences sont des salariés comme vous et moi (enfin presque, à quelques milliers de dinars près) et ne subsistent que grâce à des subventions spéciales de l’Etat. «Les pauvres hommes !», aurait pu dire Orgon, comme dans le «Tartuffe» de Molière ! Finalement, j’imagine tous les scénarios-catastrophes : je me vois dans la file de la soupe populaire ou vendant mes meubles au rabais ou, pire encore, partant pour le «jihad» en Syrie. Alors que les balles crépitent autour de moi, je me jette à terre et ferme les yeux. Quand je relève la tête, je me trouve face au large sourire de ma femme brandissant un extrait bancaire: «Ça y est ! Sabbou !» Ouf ! Il était temps !

A.L.




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