Les jours de Habib Essid sont-ils comptés ?

Les jours de Habib Essid sont-ils comptés ?
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Tunis Hebdo | Les jours de Habib Essid, en tant que Chef du gouvernement sont-ils comptés ? Cela peut paraître évident si on s’appuie sur les innombrables problèmes qui secouent le pays et les conflits qui ne cessent, du moins en apparence, de s’amplifier entre les partis formant l’alliance au pouvoir. Tous les indices semblent mener à ce changement dans la mesure où la crise de gouvernance du pays ne fait que s’aggraver alors qu’aucun signe de reprise ne pointe à l’horizon.
Cette apathie et cette léthargie qui semblent paralyser un gouvernement qui n’a plus grand-chose à proposer aux Tunisiens
Les derniers incidents violents enregistrés à l’île de Kerkennah, la poursuite du bras de fer se rapportant à la nomination du directeur de l’hôpital de Sfax, ou le sur-place de l’activité économique qui n’arrive à pas vraiment à repartir de l’avant, constituent autant de motifs d’inquiétude pour l’avenir du pays. Ce qui inquiète davantage, c’est cette apathie et cette léthargie qui semblent paralyser un gouvernement qui n’a plus grand-chose à proposer aux Tunisiens, encore moins à trouver des issues à des problèmes, certes, parfois complexes et aux multiples dimensions, mais néanmoins, parfois, assez simples à résoudre. Mais, il faut bien revenir à la source du problème pour essayer de saisir les véritables raisons qui provoquent cette situation d’immobilisme bloquant le pays et noircissant son avenir.
Alliance politique de façade
La première grande cause consiste dans « ce mariage » politique hypocrite et contraire à tout bon sens entre les deux premiers partis du pays, Nidaa Tounès et les Islamistes d’Enanhdha, dont les options sociales, notamment, sont aux antipodes l’une de l’autre. La grande erreur a été de croire que ces deux formations politiques pouvaient s’entendre sur la manière de gérer les affaires de l’Etat alors qu’ils ne partagent aucunement des convictions communes. C’est ce qui a d’ailleurs provoqué, en grande partie, l’implosion de Nidaa Tounès, un éclatement favorable aux Islamistes, devenus depuis quelques temps le groupe parlementaire majoritaire au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple. Cette alliance politique, de façade, a débouché sur la désignation d’un Chef de gouvernement « neutre » sans aucune coloration politique, sinon celle d’avoir été un fidèle « serviteur » des régimes qui se sont succédé, l’ancien et le nouveau, sans aucun état d’âme particulier.
« Un grand commis de l’Etat » sans aucun soutien politique réel
Autrement dit, les deux gérontes ont désigné un « gestionnaire » à la tête de la Tunisie alors que le pays avait besoin d’une nouvelle vision sur un double plan. D’abord sur les grands choix futurs qui pourraient concourir à doter notre pays d’un nouveau modèle de développement économique et social. Ensuite, sur les nouvelles techniques de gestion des affaires de l’Etat suite au changement sociétal et politique intervenu dans le pays après le 14 janvier 2011. Nidaa Tounès et les Islamistes ont donc placé un « grand commis de l’Etat » sans aucun soutien politique réel, sinon celui de Béji Caid Essebsi et Rached Ghannouchi. Trop peu pour espérer gouverner d’autant que les deux autres partis faisant partie de l’alliance gouvernementale, l’UPL de Slim Riahi et Afek Tounes, ne sont, en réalité, que des formations politiques ramenées dans le giron gouvernemental presque pour la « décoration », leurs poids politique et électoral étant dérisoires. La deuxième cause est liée à la nature néo-libérale d’une alliance conservatrice n’ayant aucune dimension réformatrice d’envergure pour le pays. Les « solutions » proposées sont frappées par le sceau de l’improvisation et de la précipitation avec des décisions prises à la va-vite, et souvent inapplicables.
Aucune volonté politique réelle n’émerge
Autrement dit, il ne faut guère s’attendre de la part des partis au pouvoir à proposer aux citoyens un projet d’avenir suffisamment ambitieux et capable de changer en profondeur une économie en crise et une société malade. Les tares qui ont conduit à l’installation du chaos socio-économique à l’instar de la corruption, de la mauvaise gestion, du favoritisme ou du clientélisme ne sont guère combattus. Aucune volonté politique réelle n’émerge et ne se manifeste pour lutter contre ces fléaux qui gangrènent le pays. Plus grave encore, on noie le poisson comme c’est le cas pour l’affaire dite du « Panama Papers » avec une commission parlementaire qui va l’enterrer ou encore les révélations de Chawki Tebib, le président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption, sur l’implication de responsables actuels dans plusieurs affaires de corruption suggérant que le risque de voir l’Etat tunisien se transformer en Etat mafieux est réel !
Le seul soutien réel dont bénéficie encore Habib Essid est celui des Islamistes
Aujourd’hui, la situation empire avec l’éventualité de voir cette alliance voler en éclats. Lorsqu’un ministre en poste, quoique chef de parti, estime que la situation du pays est grave et nécessite un remaniement gouvernemental, cela démontre que le Chef du gouvernement n’a aucune emprise ni aucune « autorité » sur son équipe. Car il est dépourvu de tout soutien politique que ce soit au sein du Parlement ou, encore moins, au sein d’une opinion publique fortement déçue par l’évolution de la cité. Le seul soutien réel dont bénéficie encore Habib Essid, même s’il est en train de s’effilocher, est celui des Islamistes où il possèderait désormais de solides amitiés. Mais, là aussi, l’éventualité de son départ commence à être évoquée à condition qu’il intervienne au moment idoine, de préférence après les élections municipales fixées au printemps de l’année prochaine, et le temps de « dénicher » une personnalité prête à leur prêter allégeance ! Autrement dit, le pays n’est pas prêt de sortir de l’auberge si la situation persiste dans la direction actuelle. L’exception tunisienne, comme on se plaît à l’appeler consacrée par le partage du pouvoir entre « laïcs » et Islamistes, est en passe d’échouer et d’éclater.
Cela passe nécessairement par un changement
Si elle a permis d’éviter au pays une violence généralisée, elle ne lui permet plus aujourd’hui d’évoluer. De plus, la diabolisation via les réseaux sociaux ou certains médias de l’UGTT, même si celle-ci doit faire le ménage en son sein et ramener à la raison des forces de résistance (genre syndicat de la santé, enseignement etc) pas claires du tout, n’est pas pour apaiser les esprits ni pour éviter la tension. Le pays appelle donc une autre manière de le gérer. Cela passe nécessairement par un changement. Il doit concerner probablement le Chef du Gouvernement et toute l’équipe gouvernementale à une ou deux exceptions près, mais aussi une autre façon de voir l’avenir du pays et les principes sur lesquels il doit être fondé et édifié…

L.L.




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