L’annonce précoce formulée par le Parti des Patriotes Démocrates de proposer Mongi Rahoui en tant que potentiel candidat aux prochaines élections présidentielles de 2019 a provoqué un véritable «séisme» au sein du Front Populaire.
Si la démarche en elle-même avait quelque chose de «provoquant» face à la candidature «historique» et attendue de Hamma Hammami, elle a eu le mérite, à notre sens, de créer une sorte d’électrochoc nécessaire pour le Front Populaire afin de le faire sortir de sa léthargie politico-idéologique.
Certes, la plupart des partis composant le Front Populaire se sont empressées de désavouer l’initiative des Patriotes Démocrates et de confirmer la candidature de Hamma Hammami, mais le débat n’est pas, pour autant, clos.
Car il pose une nouvelle problématique, celle de la manière dont se prennent les décisions en son sein et probablement de son avenir, sous quelle forme et à quelles conditions ?
La candidature de Mongi Rahoui a de quoi «inquiéter» Hamma Hammami et ses camarades, lui l’incontestable leader historique de l’une des formations de gauche les plus anciennes du pays. N’oublions pas qu’entre la clandestinité des années de braise sous les anciens régimes et aujourd’hui, les données ont considérablement changé, et les règles du jeu ne sont plus les mêmes.
Ce contexte nouveau doit amener une approche et un style de travail politique différents. Par exemple, l’usage de primaires pour désigner de la manière la plus démocratique possible le candidat du Front Populaire aux présidentielles nous semble une idée originale dans notre pays, émanant d’un esprit réellement démocratique de la façon dont devrait être géré un Front de gauche, vraiment populaire.
Fort de cette légitimité, et quoique ayant probablement très peu de chances, voire aucune, de monter à la plus haute fonction au sein de l’Etat, le candidat du Front bénéficierait du soutien inconditionnel de tous les partis et, peut-être, de tous les citoyens dont le cœur penche à gauche.
Ensuite, cette annonce doit engendrer un autre débat, plus profond, au sein du Front Populaire : celui de son organisation, de ses structures, de son mode de fonctionnement, de ses méthodes de travail, de ses slogans, de ses positions et attitudes politiques.
Bref, de tout ce qui pourrait lui permettre de passer d’une coalition confinée dans des cercles restreints à un véritable courant populaire (peut-être en un seul parti) pouvant rivaliser avec les courants rétrogrades, en terme électoral, pour la conquête du pouvoir.
L’opposition dans laquelle semble se complaire le Front Populaire ne constitue pas un projet alternatif et d’avenir pour un peuple déboussolé, marginalisé et paupérisé. Or, les conditions objectives d’une Tunisie citoyenne, républicaine et progressiste existent.
Il suffit que les courants de progrès puissent s’unir et se réunir autour d’un projet commun, indépendamment des figures historiques surannées ou épuisées, et dans lequel le Front Populaire pourrait en être le pivot.
Aujourd’hui, la responsabilité historique du Front Populaire est engagée face à l’islamisation rampante de la société et des institutions. Parfois, et sans renier ses fondements ou ses principes, s’allier avec des libéraux ou des démocrates peut constituer un pas en avant, et sauver le pays de l’obscurantisme…
Lotfi LARGUET
Tunis-Hebdo du 25/03/2019